jeudi 29 mars 2018

GENESE 22


V 1 à 8 : En route vers le sacrifice

Eduqué à l’école de la foi dès le jour où Dieu l’appela, Abraham se trouve ici dans la classe supérieure de cette université. Alors que, par la foi, il dut attendre 99 ans jusqu’à ce que le fils de la promesse divine lui soit donné, l’Eternel le fait passer, à son sujet, par un dernier examen. Après lui avoir donné Isaac dans les circonstances que l’on sait, voici que, par un ordre sans équivoque, l’Eternel lui demande, sans lui donner de raison, de le lui offrir en holocauste sur la montagne qu’Il lui indique. Dieu est Dieu. Pour autant, la grandeur qui Le caractérise ne l’exempte pas de mesurer le prix que coûte Ses ordres à celui à qui Il les donne. Dieu sait et mesure parfaitement ce qu’Il exige d’Abraham. Oui, c’est bien Isaac que l’Eternel demande à Abraham d’offrir, son fils unique, celui qui fait l’objet de tout son amour. Quelle en est la raison ? Dieu perçoit-Il dans le don qu’Il lui a fait de ce fils dans sa vieillesse un concurrent ? Dieu serait alors pris au piège de Sa propre manière d’agir ! Si Isaac est si précieux à Abraham, n’est-ce pas parce que sa venue a été entourée de tant de promesses et s’est produite après tant d’années d’attente ? L’Eternel, dit le texte, voulut mettre à l’épreuve Abraham, pas tant dans son amour que dans sa foi ! Abraham a appris dans la difficulté, par la naissance d’Isaac, à faire confiance à Dieu envers et contre tout. Espérant contre toute espérance, il crut et devint père : Romains 4,18. Allait-Il maintenant continuer à croire, alors qu’Il avait ici à faire face à deux paroles de Dieu qui semblaient s’opposer ? La première parole de Dieu, affirmée avec l’autorité qu’elle revêt, pouvait-elle être annulée par une seconde, revêtue de la même autorité ? Abraham allait démontrer que, dans la foi, il ne s’agit pas d’abord pour l’homme de comprendre, mais d’obéir.

Abraham ayant reçu de Dieu un ordre clair, sans ambigüité, il ne chercha, comme le fera Jonas : Jonas 1,3, ni à y surseoir, ni à s’y soustraire. Se levant tôt le matin (peut-être avait-il mal dormi), il sella un âne, prit deux serviteurs et son fils Isaac, ainsi que le bois nécessaire à l’holocauste, et se mit en route. Le texte ne nous dit rien de l’atmosphère qui régnait entre les voyageurs le temps de leur déplacement. Il fait juste mention de deux paroles dites par Abraham, l’une à ses serviteurs lorsqu’il leur demanda de ne pas les suivre avec Isaac jusqu’au terme de leur voyage, l’autre en réponse à une question posée par son fils. Les deux réponses vont dans la même direction. Elles témoignent de la réflexion intense d’Abraham au sujet de l’ordre insensé de Dieu. Le patriarche a fait son choix. Quoi que semblent montrer les apparences, la promesse première de Dieu au sujet de son fils ne saurait être rendue caduque par l’ordre dernier que Dieu lui a donné. L’épître aux hébreux nous dit quelle conviction habitait alors Abraham. Il estimait, dit l’auteur, que Dieu avait, après lui avoir donné un fils dans sa vieillesse et par une femme stérile, le pouvoir de ressusciter un mort : Hébreux 11,19. Abraham nous enseigne par sa conviction que la foi qui ne prend en compte ni le surnaturel, ni la puissance de Dieu, n’est pas une foi accomplie. S’il fallait que l’holocauste soit offert, il le serait. Mais quoi qu’il en soit, il le leur dit, Abraham reviendrait auprès de ses serviteurs avec Isaac. De même, Dieu déciderait de qui devait mourir. Lorsqu’Il donne un ordre, Il donne aussi les moyens de l’accomplir. A l’inquiétude de son fils qui lui demandait où se trouvait la victime pour l’holocauste, le père attesta qu’il s’en remettait à Dieu pour cette affaire. Il y pourvoirait en son temps. Mais que Dieu donne un animal en remplacement d’Isaac, ou qu’il doive aller jusqu’au bout, Abraham était prêt !

V 9 à 14 : le moment du sacrifice

Arrivé au lieu désigné par l’Eternel, Abraham prépara tout ce qui était nécessaire pour le sacrifice. Il bâtit de ses mains l’autel sur lequel devait, sur ordre de l’Eternel, être offert son fils. Il disposa ensuite le bois par lequel il devait être consumé. Puis, de ses mains, il prit son fils, son unique, celui qu’il aimait, pour le lier et le mettre sur l’autel et le bois. Il ne lui restait à ce stade plus qu’une chose à faire : prendre le couteau pour l’égorger et aller ainsi au bout de l’obéissance à laquelle Dieu l’appelait.

Père et fils, Abraham et Isaac sont, à ce stade de leurs vies tous les deux une image, une préfiguration de ce qui se passera à l’intérieur même de la Famille divine à Pâques. Une lecture rapide des Evangiles pourrait nous faire croire que les responsables de la mort de Jésus sont à la fois les Juifs et les romains. Personne ne nie qu’ils y aient pris une part active. Ce serait cependant s’arrêter uniquement à la considération humaine des choses de penser cela. Car, si Jésus était bien ce qu’Il a dit être, le Fils unique, éternel et bien-aimé de Dieu, personne n’aurait pu toucher à Sa vie sans l’autorisation du Père. Jésus Lui-même a attesté, peu avant sa mort, cette réalité, alors qu’Il était avec Ses disciples dans le jardin de Gethsémané : Matthieu 26,52-53. En vérité, même si ce sont des mains humaines qui ont dressé la croix et planté les clous dans les membres de Jésus, c’est, comme dans le cas d’Abraham, le Père éternel qui a préparé de toute éternité ce moment pour Son Fils : Apocalypse 13,8 ; 1 Pierre 1,19-20. « Qui donc a livré Jésus à la mort, demande Octavius Winslow, un commentateur biblique. Non pas Judas, pour de l’argent. Non pas Pilate, par crainte. Non pas les Juifs, par jalousie -mais le Père, par amour ! » Oui, dit Paul, pour notre salut éternel, le Père n’a pas voulu, alors même qu’Il le lui a demandé un instant : Matthieu 26,42 à 44, épargner Son Fils. Il l’a livré à la mort pour nous tous : Romains 8,32. Si ce ne fut le cas pour Isaac, le Fils de Dieu est mort de la main même de Son Père pour nous !

La preuve donnée à Dieu par Abraham que la primauté lui revenait dans sa vie sur tout et tous, l’Eternel arrêta son bras au moment même où celui-ci allait s’abattre sur son fils. Dieu attira alors ses regards sur une victime préparée pour remplacer Isaac : un bélier retenu à quelques distances par les cornes dans un buisson d’épines. Abraham détacha son fils, le descendit de l’autel et offrit à sa place l’animal en entier. L’histoire finit bien aussi bien pour Abraham que pour Isaac, mais elle restera pour tous les deux une expérience marquante. Un nouveau nom, significatif de ce qu’il a appris, sera donné par Abraham au lieu où Dieu lui a fait vivre Son intervention de manière si puissante. Plus que jamais, Abraham, ici, fait l’expérience que Dieu, son Dieu, est un Dieu vivant, un Dieu qui voit, qui entend, qui agit. C’est pourquoi, il baptisa le lieu où il se trouvait « YHWH voit ! ». Oui, Dieu est le Dieu qui voit ! Et parce qu’Il voit, nous ne devons jamais craindre qu’Il ne vienne trop tard. Au paroxysme de la tension la plus grande, à la dernière limite des choses, Dieu peut encore tout arrêter, tout changer. Pour Isaac, l’expérience vécue équivaudra à une conversion personnelle. Connu par son père, le Dieu d’Abraham va devenir en ce jour la terreur d’Isaac : Genèse 31,42. En ce jour, Dieu ne sera plus seulement le Dieu d’Abraham. Il devient, par une rencontre personnelle, le Dieu d’Isaac, ce qu’Il veut être aussi pour nos fils et nos filles !

V 15 à 19 : renouvellement de la promesse avec serment

Le sceau ayant été mis à la foi d’Abraham par le sacrifice volontaire d’Isaac, Dieu scella à Son tour la promesse qu’Il lui fit le jour où il crut. Ne pouvant jurer par plus grand que Lui-même : Hébreux 6,13, Dieu lui certifia par serment que ce qu’Il lui a promis au jour de Son appel se réaliserait pleinement dans Sa descendance. Pour que Dieu aille au bout de ce qu’Il peut donner comme garantie et assurance au sujet de Sa Parole à Abraham, il fallait que celui-ci aille au bout de sa consécration. Pour que Dieu mette le poids de Sa Personne et de Son honneur en jeu dans la réalisation de la promesse faite à Abraham pour son fils, il fallait que celui-ci mette le poids de son fils comme preuve de sa volonté d’obéissance sans réserve à Dieu. Mystère de Dieu ! L’engagement le plus total de Dieu envers celui qui est bénéficiaire de Ses promesses est lié à l’engagement le plus total de celui-ci dans la soumission à Sa Personne. Il faut, dit l’Ecriture, que ce soit de Lui, par Lui et pour Lui que soient toutes choses, afin que la gloire Lui revienne à Lui seul : Romains 11,36. Le « par Lui » de Dieu passe par ceux qu’Il a choisis. Il ne se réalise pleinement dans le but recherché (à savoir que la gloire Lui revienne à Lui seul), que lorsque celui qui en est l’outil lui appartient tout entier. Ainsi, c’est lorsqu’Abraham a fait la preuve qu’il était prêt à ne rien retenir pour lui-même de ce qui était à Dieu, mais qui lui était le plus précieux (Isaac), que Dieu a pu s’engager avec une telle force à réaliser à travers lui Ses promesses et le dessein qu’Il s’était proposé.

Voulons-nous avoir la certitude que Dieu réalise à travers nous Son dessein ? Il n’y a de notre part qu’un chemin, qu’une voie à suivre : celui de l’holocauste de notre vie, et de ce qu’elle a de plus précieux, sur Son autel. Aussi longtemps que nous retenons quelque chose pour nous-mêmes de ce que Dieu nous a donné, nous ne devons pas nous étonner de n’avoir aucune assurance dans la foi au sujet de l’œuvre que Dieu a en vue par nous. La consécration exige que nous ne retenions rien de ce que Dieu nous a donné, fut-ce un Isaac, pour nous. C’est lorsque l’holocauste est sur l’autel que Dieu est satisfait, pas avant. C’est lorsque l’holocauste est sur l’autel qu’une odeur agréable monte de la terre jusqu’au ciel et qu’Il ouvre, comme des écluses, le champ de Ses promesses : Genèse 8,20-22. Seigneur, que, par Ta grâce et Ton œuvre incessante dans nos cœurs, nous soyons tout à toi afin que Toi, Tu puisses être, comme Tu le veux, tout à nous !

V 20 à 24 : postérité de Nahor

Vivant dans le pays de Canaan, Abraham ne fut pas sans nouvelle du reste de sa famille. Par une voie qui ne nous est pas précisée, il apprit que son frère Nahor donna le jour à une nombreuse famille au travers de sa femme Milka et de sa concubine Réouma. Au milieu de tous ses fils, il donna naissance également à une fille Rébecca. Ici est posée la charnière par laquelle la promesse de bénédiction, dont Dieu vient de garantir avec tant de force la réalisation, s’accomplirait. De même qu’il en ainsi dans l’histoire, rien n’est écrit au hasard dans la Parole de Dieu. Avec le don de son fils, l’Ecriture nous a conduit au sommet de l’éducation de la foi d’Abraham. L’heure est venue de passer à la formation de celle de son fils Isaac, héritier des promesses divines. Le récit de la généalogie de Nahor, avec la mention de Rébecca, joue ce rôle d’entrée en matière. Une nouvelle étape commence ici dans le déroulement du projet de Dieu. Il en est ainsi de nos vies, au jour où le Seigneur nous invite à passer le relais à la génération qui nous suit. Que Dieu nous donne la grâce d’être aptes, dans les événements qui se produisent et les nouvelles que nous entendons, à reconnaître la direction de Dieu pour l’avenir !

vendredi 23 mars 2018

GENESE 21


V 1 à 8 : naissance d’Isaac

Comme Dieu l’avait promis à Abraham et Sara, dans le délai qu’Il avait Lui-même fixé, Isaac naquit un an après la visite de l’Eternel. Malgré la joie que dut être cette naissance pour Sara, celle-ci ne put se départir de l’impression de ridicule qu’elle ressentait à l’égard du grand âge auquel Dieu les avait forcés pour recevoir ce fils promis. Si elle comble nos cœurs et nos espérances, les grâces dont nous sommes l’objet de la part de Dieu ne nous sont pas données pour nous honorer. Elles correspondent au temps de Dieu, à Son dessein, à l’objectif qu’Il a de tout faire concourir à la louange de Sa gloire. Dieu n’est pas l’instrument de notre satisfaction, c’est nous qui Le sommes à la Sienne. Le nom que Dieu voulut que ses parents donnent à ce fils, Isaac (Rire) est là pour le leur rappeler.

Selon l’ordre donné par Dieu dans le cadre de l’alliance qu’Il a établie entre Lui et Abraham, Isaac fut circoncis 8 jours après sa naissance par son père. La circoncision est le signe d’appartenance d’Isaac au peuple que Dieu voulait se former au travers d’Abraham. Nourri au sein, Isaac grandit. Une première étape de sa croissance fut atteinte le jour où il fut sevré : une fierté pour Abraham qui offrit un grand festin à tous ses amis et les membres de son clan pour ce jour. Abraham nous rappelle ici l’importance de célébrer ensemble les grands événements de la vie. La célébration n’est pas anodine. Elle pose des repères et permet à tous de se rappeler les grandes étapes de notre parcours ou de celui de la communauté ! Elle est aussi l’occasion de compter les bienfaits de Dieu et de nous souvenir des trésors de la grâce dont nous sommes l’objet !

V 9 à 21 : renvoi d’Hagar et d’Ismaël sur la demande de Sara

Isaac grandissant, Sara perçut Ismaël, le fils d’Hagar, comme une menace et une source de souffrance potentielle pour lui. Le texte de la genèse est sobre quant à la raison pour laquelle un tel sentiment naquit dans le cœur de Sara à ce sujet. Mais l’Ecriture, l’expliquant plus tard, va plus loin. Sous l’inspiration de l’Esprit, Paul affirme qu’Ismaël persécutait, sans doute par jalousie, son petit frère : Galates 4,29 (voir aussi Psaume 83,7). Le rire d’Ismaël, mentionné ici, n’était pas que l’expression gentille d’un amusement entre frères. Il était plutôt celle d’un mépris, d’une moquerie de la part d’un aîné qui devait sentir que le petit dernier occupait une place plus importante que lui dans le cœur de son père.

Quelle solution pouvait être trouvé à ce dilemme ? Alors que nous cherchons parfois des solutions humaines pour arranger les choses, Dieu estime que la meilleure est dans la séparation. Si Dieu opte pour une telle situation ici, nous devons cependant nous garder pour nous-mêmes d’y opter, dès qu’il y a conflit, aussi avec légèreté. Ce qui sépare Ismaël d’Isaac ne relève pas seulement d’une question de jalousie. C’est une question de nature. Ismaël, explique Paul, est le fruit de la chair, de la nature humaine. Isaac est le fruit de l’Esprit, de l’œuvre de Dieu. Or, il n’y a aucune possibilité d’accord entre ce qui est né de la chair et ce qui est né de l’Esprit : Galates 4,29-30.

Ce n’est pas d’Abraham, mais de Sara que viendra l’impulsion qui conduira Abraham, avec l’approbation de Dieu, à chasser Hagar et Ismaël. La question qui est au cœur de la demande de séparation de Sara au sujet d’Ismaël ne touche pas à la relation ou aux affections de celui-ci avec son fils. Le rire moqueur d’Ismaël aurait pu, à la rigueur, être corrigé. Ce qui préoccupe Sara est l’héritage, la transmission qui doit se faire tôt ou tard des richesses, de la primauté et des bénédictions qu’a reçues Abraham de la part de Dieu à sa descendance. Car si, pour l’heure, il y a un chef de tribu reconnu, demain, il sera nécessaire de départager entre les fils qui sera celui qui héritera le patriarcat d’Abraham et tout ce qui s’y rapporte. Habituellement, c’est à l’aîné, en vertu de son droit de premier-né, que revient cet honneur. Or, l’aîné ici est Ismaël, un fils bâtard. Le fils légitime est Isaac.

Au vu de la situation, on comprend ici que ce soit par Sara que la volonté de Dieu, à ce sujet, va s’accomplir. Dans l’histoire, mis à part le fait que ce soit par son initiative qu’Ismaël est né de l’union d’Abraham avec Hagar, Sara n’a pas de lien de sang avec Ismaël. Elle seule possède la légitimité pour formuler une telle demande. Celle-ci, dit le texte, déplut fort à Abraham. Certes, Isaac est le fils de la promesse divine, mais Ismaël est sa chair et son sang. Dans cette affaire, Dieu estime cependant qu’il n’y a pas de place pour les sentiments humains. Les questions spirituelles relèvent d’un ordre qui le dépasse, celui de la volonté et du dessein de Dieu pour tous les peuples et toutes les générations. Si Dieu n’a pas épargné Son Fils pour que le plan de rédemption qu’Il avait conçu de toute éternité se réalise, il n’y a rien d’étonnant à ce que, pour que sa volonté se réalise par nous, nous soyons amenés à sacrifier ce qui, sur le plan affectif, a une grande valeur pour nous. Paul l’expliquera plus tard. Toutes deux proches d’Abraham, Hagar et Sara sont l’allégorie de deux alliances, l’une symbolisant l’esclavage (Hagar), l’autre représentative de la liberté (Sara) : Galates 4,24 à 27.

L’histoire des deux femmes d’Abraham est, aux yeux de Paul, une allégorie. Elle est une représentation figurative d’une réalité. Les deux femmes représentent les deux alliances. Agar, dont le nom arabe signifie Sinaï, est le symbole de l’alliance contractée avec Moïse sur le mont portant le même nom : l’alliance de la loi. Cette alliance est celle dans laquelle se trouve la Jérusalem d’en bas, qui ne connaît pas la liberté. C’est l’alliance de la loi qui, à cause du péché, enferme les hommes dans la servitude d’une obéissance impossible sous le joug de règles et de commandements intenables. Paul l’affirme : comme Ismaël fut séparé d’Isaac et privé de l’héritage d’Abraham, ceux qui vivent sous le régime de la loi n’auront aucune part à l’héritage céleste de Dieu. Les plus grandes promesses sont, par contre, données dans l’Ecriture à celle qui était stérile, Sara, et qui représente la Jérusalem céleste, qui verra, selon le prophète, une postérité plus nombreuse que sa concurrente : Esaïe 54,1.

Si Israël et l’Eglise sont, trop souvent, considérés comme deux entités distinctes, cela ne semble pas être le cas pour Paul. Selon l’apôtre, il n’y en a en fait qu’un seul Israël, celui qui descend d’Isaac, le fils de la promesse, l’Israël de Dieu : cf Galates 6,16 dans lequel sont inclus tous les croyants élus par grâce et justifiés par la foi. On ne doit qu’à une mauvaise interprétation de séparer l’Eglise et Israël en deux entités qui ne se recoupent pas. L’Eglise est l’accomplissement de la promesse faite à Esaïe au sujet de la Jérusalem d’en-haut, plus peuplée de descendants d’Abraham que celle d’en bas, qui le sont par la chair.[1]

Il nous faut ici une fois de plus nous arrêter pour retenir notre souffle quant à la portée que Dieu donne aux carrefours de l’histoire de la vie d’Abraham et Sara. Comme Esaïe le rappelle, Abraham et Sara sont pour le peuple de Dieu le creuset d’où il sort : Esaïe 51,1-2. Aussi, rien n’est anodin dans les événements qui touchent à leur vie. Tout est fondateur, génétique et génésique de l’avenir. Tels sont à la fois le privilège et la responsabilité terrible des pères. Il est fort à douter cependant que, dans cette affaire, ni Sara ni Abraham n’aient eu conscience de la portée de leur décision. Sara n’y voyait qu’une affaire humaine. Esprit éternel qui est au-delà du temps, Dieu orientait les choses de leurs vies en vue de l’accomplissement de Son dessein. Soyons convaincus pour nous que la même main souveraine de Dieu guide toutes choses dans les coulisses de notre histoire, comme dans la grande histoire des peuples.

Comme ce fut le cas pour Hagar lorsqu’elle fuyait Sara dans le désert, Dieu ne se contenta pas de dire à Abraham ce qu’il n’avait pas envie d’entendre, à savoir qu’il lui fallait se séparer d’Hagar et d’Ismaël. Dieu lui donna avec cet ordre des promesses au sujet de son fils. Ismaël ne sera pas l’héritier d’Abraham. Ce n’est pas lui qui sera celui par qui la promesse spécifique de Dieu liée à la bénédiction de l’humanité se réalisera. Mais Ismaël n’est pas sans avenir devant Dieu. L’Eternel a pour lui et ses descendants une place dans l’histoire. Lui aussi deviendra une grande nation, un grand peuple.

Pour la seconde fois, nous apprenons que lorsque Dieu discipline, Il ne le fait jamais de manière à ce que cela nous laisse à la fin un goût amer. La pédagogie de Dieu sera toujours de nous amener à comprendre en quoi ce qu’il nous demande de sacrifier ou d’abandonner est bon pour le grand but qu’Il vise avec nous. Dieu ne cherche jamais, en nous demandant de nous séparer de quelque chose ou de quelqu’un, à nous appauvrir, mais à nous enrichir. Il veut que nous sachions que lorsque nous lâchons prise sur ceux qui nous sont précieux, ils ne sont pas abandonnés pour autant. Ils ne sont plus sous notre main, mais ils sont toujours sous la main de Dieu. Ils ne sont plus liés à nous pour la suite de leurs vies, mais cette séparation est nécessaire pour que le plan de Dieu s’accomplisse envers eux.

Rassuré par la promesse de Dieu au sujet d’Ismaël, Abraham exécuta le vœu de Sara d’éloigner Hagar et son fils du clan familial. Se levant de bon matin, Abraham prit du pain et une outre d’eau dont il chargea Hagar et il la renvoya avec son fils. Même si Abraham était rassuré par la parole de Dieu à leur sujet, nul doute que ce ne fut pas sans un serrement de cœur qu’il consentit à l’ordre de Dieu. La preuve en est qu’il ne dormit peut-être pas beaucoup cette nuit-là. Abraham le savait. Ce n’est pas avec ce qu’il lui donnait en partant, que l’avenir d’Hagar et d’Ismaël était assuré. Et eux-mêmes, comment allaient-ils interpréter cette volonté d’éloignement dont ils étaient les objets de sa part ? Tout dans cette histoire, si Dieu n’y veillait pas, pouvait tourner au drame. Il est des moments où, pour les hommes de foi, l’obéissance à Dieu peut être cruelle pour tous. C’est ici qu’il faut nous rappeler que Dieu, toujours, sait ce qu’Il fait, que ce qui passe pour un mal à nos yeux, s’Il l’ordonne, finira par un bien.

Renvoyés par Abraham, Hagar et Ismaël quittèrent Guérar pour se diriger dans le sud du pays vers l’Egypte. Sans autre aide que leur propre discernement, ils vinrent à errer dans le désert de Beer-Shéba et à se perdre. La provision d’eau vite épuisée, le désespoir ne tarda pas à s’emparer d’Hagar. Déposant Ismaël à l’ombre d’un arbrisseau, elle alla s’asseoir à une distance d’une portée d’arc pour ne pas avoir à assister à la mort de son fils. Malgré les apparences, Hagar n’était pas hors de portée du regard du Seigneur. Même s’il lui semblait être à l’extrémité (et elle l’était), au vu des promesses que Dieu lui avait faites, ainsi qu’à Abraham, pour son fils, il était impossible que leur histoire s’arrête là. Le même messager de Dieu qui lui apparut lorsqu’elle fuyait Sara dans le désert : Genèse 16,7, la visita ici pour la seconde fois pour la rassurer. Non seulement, il avait vu et entendu ses pleurs, mais, dit-il, il a aussi entendu les pleurs et peut-être la prière de l’enfant. C’est le cri du plus faible qui émeut le plus le cœur de Dieu. Le messager de Dieu ordonna à Hagar de se lever. Il réitéra la promesse qu’il lui avait faite lors de leur première rencontre. Ismaël ne peut périr. La promesse de Dieu est formelle : en tant que fils d’Abraham, il deviendra lui aussi une grande nation. Puis il lui fit voir où Hagar allait pouvoir se ressourcer pour poursuivre sa route : un puits qui se trouvait à quelque distance. Comme il le fait pour chaque ordre qu’Il donne, Dieu sollicite la foi d’Hagar avant de lui révéler les moyens par lesquels, dans la foi, elle pourra obéir. Hagar et l’enfant rassurés et désaltérés, ils purent atteindre le désert de Paran, près de l’Egypte où ils s’installèrent. La main de Dieu fut avec l’enfant qui grandit et devint un habile chasseur. Sa mère assura son avenir en lui donnant une femme de son pays, l’Egypte.

V 22 à 34 : alliance d’Abraham avec Abimélek

 Ayant peut-être été témoin du miracle que représente la naissance d’Isaac, ainsi que de d’autres faits, Achimélek, sur les terres duquel Abraham avait immigré, dut se rendre à l’évidence. Cet homme n’était pas comme les autres. Sa vie portait la marque de la signature de Dieu. Le témoignage sincère d’Achimélek rejoint celui qui, dès siècles plus tard, sera apporté à Jésus par Nicodème : Jean 3,2. Certes, nous sommes appelés, en tant qu’élus et enfants de Dieu, à témoigner de Lui par nos paroles. Mais là ne se trouve pas la vraie force du témoignage. Elle l’est lorsque, d’une certaine manière, c’est Dieu qui, aux yeux du monde qui nous entoure, manifeste de manière évidente qu’Il est avec nous : cf Actes 2,47.

Habité par la crainte de Dieu, Achimélek, le roi de Guérar, comprit où était son intérêt dans la relation qu’il avait avec Abraham. Puisque Dieu était avec cet homme, mieux valait faire alliance avec lui pour s’en faire un ami. C’est ce qu’il fit. Ayant fait preuve de bienveillance à l’égard du patriarche, Achimélek le sollicita pour que, par engagement solennel, il agisse avec la même réciprocité à son égard. Achimélek devait le pressentir : le projet de Dieu à travers Abraham n’allait pas s’arrêter à l’état dans lequel il se trouvait sur le moment. Par la grâce de Dieu qui était avec lui, Abraham allait devenir un grand peuple. Achimélek prend donc les devants. Si Abraham est appelé à se multiplier, mieux vaut, en prévision de l’avenir, consolider les relations. Que leur cohabitation paisible, alors qu’Abraham est encore faible, ne tourne pas à l’affrontement, quand il sera fort.

Abraham adhéra à la démarche d’Achimélek. Selon sa demande, il jura qu’il agirait envers lui à l’avenir de la même manière que le roi de Guérar avait agi envers lui dans le passé. Abraham profita de l’occasion pour régler une affaire qui, dans cette cohabitation, l’avait froissé. Alors qu’il avait creusé un puits à Beer-Shéba, les serviteurs d’Achimélek s’en étaient emparés de force. Abraham, n’ayant pas voulu provoquer un conflit, n’avait pas réagi. Mais il désirait que l’injustice soit réparée. Achimélek protesta de son innocence. Une telle chose s’était passée à son insu. Elle était due à l’initiative de ses gens, comme cela se produit souvent dans un organisme constitué de plusieurs échelons d’autorité. Abraham inclut la restitution du puits creusé dans l’alliance contractée avec Achimélek.

L’alliance entre Abraham et Achimélek témoigne que les rapports entre l’autorité séculière et le peuple de Dieu n’ont pas à virer obligatoirement à l’hostilité. Les autorités séculières ont, pour leur bien, tout intérêt à respecter le peuple de Dieu et ses droits. Car, avec lui, il y a une autorité de laquelle elles dépendent aussi pour leur propre bien. Que chacun, là où il est, tienne donc sa place et garde son rang, respectant au mieux celui de l’autre. C’est en cela que la vie de chacun ici-bas peut se passer de la manière la plus cordiale et la plus paisible.


[1] Commentaire aux Galates

jeudi 15 mars 2018

GENESE 20


Malgré la déconvenue vécue en Egypte à cause du mensonge dont Abraham se rendit coupable à propos de Sara (Genèse 12,10 à 20), le patriarche n’en tira, semble-t-il, aucune leçon. S’implantant à Guérar, sur le territoire d’Abimélek, Abraham et Sara adoptent le même comportement. S’imaginant qu’il n’y a ici aucune crainte de Dieu, voulant se prévenir d’un danger qui n’existe que dans leur imagination, le couple, au lieu de faire confiance à Dieu en vertu de toutes les promesses qu’il a reçues, a recours aux mêmes procédés pour assurer sa sécurité. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Dieu les laisse vivre pour la seconde fois la même expérience honteuse. Abimélek, croyant Sara libre, la fait prendre pour l’ajouter à son harem. Si ce n’est la grâce de Dieu qui agit souverainement en leur faveur, tout le dessein de Dieu aurait pu ici être tenu en échec à cause de leur incrédulité.

Nous pouvons nous étonner de voir, après tant d’années, Abraham chuter comme dans les premiers jours de sa vie de foi. Si nous examinons nos vies, cet étonnement disparaîtra assez vite. Après des décennies de vie chrétienne, ne nous arrive-t-il pas de commettre encore les mêmes fautes qu’à ses débuts ? Nos péchés de jeunesse sont-ils si loin de nous qu’ils ne représentent plus pour nous encore des occasions de chute ? S’il nous fallait une preuve que, malgré toutes les années de vie avec Dieu, notre chair n’a changé en rien et ne s’est aucunement améliorée, nous l’avons ici. Il y a une illusion sur la question de la croissance et de la maturité chrétiennes à laquelle il faut tordre le cou. Nous ne nions point le fait que, par les épreuves par lesquelles Il nous fait passer, Dieu nous fasse progresser dans la foi. Ainsi nous amène-t-Il par l’expérience de plus en plus à ne nous reposer que sur Lui seul, sans trouver d’autre appui que sa fidélité à Ses promesses. Pour autant, cela ne signifiera jamais que, ayant progressé de cette manière, nous ayons changé dans notre nature première. Celle-ci reste après des décennies toujours la même, orientée de la même manière. Livrée à elle-même, déconnectée de Dieu, elle suit toujours les mêmes chemins, glisse toujours sur les mêmes pentes, a recours toujours aux mêmes procédés quand il s’agit pour elle d’assurer sa propre sécurité. C’est en Christ que nous sommes des êtres nouveaux. Pour ce qui est de nous, de notre chair, nous sommes toujours les mêmes pécheurs incrédules et mauvais.

De l’intercession d’Abraham pour Sodome et du salut de Loth de la destruction de la ville impie, nous apprenons une leçon essentielle sur Dieu : c’est que Dieu ne met pas sur le même rang le juste et le méchant. Cette distinction dans le jugement de Dieu a été la base de toute l’argumentation du patriarche dans sa prière et la cause première du salut de son neveu. Fidèle à Lui-même, Dieu va agir ici une nouvelle fois en fonction de cette qualité. Il le fera à la fois pour Abraham et Sara, mais aussi envers Abimélek qui, trompé sur l’identité de Sara, l’a mise à part pour lui sans savoir qu’elle était mariée.

C’est la nuit, alors qu’il dort, qu’Abimélek va recevoir en rêve la visite de Dieu. Le sommeil dans lequel Abimélek se trouve, croit-il, est le sommeil du juste. Ayant pris Sara, Abimélek s’est endormi en paix, sans mauvaise conscience. Il n’a juste exercé à son encontre que le droit du prince. Dieu, qui sait la vérité sur l’identité de Sara, n’en juge pas de la même manière. Ils ne sont ainsi pas rares les moments où, persuadé de n’avoir rien fait de mal, nous nous endormons avec bonne conscience… jusqu’à ce que Dieu nous réveille en nous faisant voir la nature de nos actes sous un autre jour. Si la justice de Dieu est à craindre, nous pouvons aussi Le louer pour la protection qu’elle représente pour celui qui est droit de cœur. Oui, Abimélek a péché. Mais, comme il a agi dans l’ignorance, Dieu fait la part des choses. Il deviendra réellement coupable à partir du moment où il aura vu son acte sous son vrai jour, pas avant. Aussi, Dieu, dans Sa justice, prend-Il soin de Lui révéler la vérité à ce sujet dans le but, non de le condamner, mais de le conduire à la repentance. Cette repentance était nécessaire pour éviter à Abimélek le jugement. Mais elle ne pouvait se faire sans qu’il ne comprenne, de la part de Dieu, en quoi il avait péché. Convaincu de péché, saisi de crainte par la sentence qui pèse sur lui, Abimélek plaide sa cause auprès de Dieu et sa bonne foi. Il utilise pour son propre salut contre Abraham le même argument qu’Abraham a utilisé pour celui de la ville de Sodome pour la sauver : Dieu peut-il faire périr un juste comme Il le ferait pour un méchant ? Dieu entend et cautionne la prière d’Abimélek. Admirons ici de nouveau le mystère de la grâce de Dieu qui utilise le péché d’un homme de Dieu comme occasion pour se révéler à un roi païen. Mis en demeure de rendre à Abraham sa femme, Abimélek n’attendra pas un jour de plus. Debout de bon matin, il réunit tout son clan pour témoigner de ce qu’il a vécu pendant la nuit. La même crainte saisira tous ceux qui entendront son récit. Après que Dieu ait demandé des comptes à Abimélek sur ses actes envers Abraham et Sara, c’est à lui d’en demander maintenant au patriarche.

L’indignation dont fait preuve Abimélek à l’égard d’Abraham est à la hauteur de la déception dont celui-ci a été la cause par sa dissimulation au sujet de sa femme. Le roi de Guérar ne prend pas de gant pour dire au patriarche ce qu’il ressent. La façon dont il s’est conduit envers lui est inadmissible. En exposant Abimélek au risque de mal agir sans qu’il le sache, il lui a tendu un piège. Il a agi envers lui d’une manière qui ne se fait pas à l’égard du respect et des convenances sociales. Abimélek, cependant, ne veut pas s’arrêter à la façon d’agir d’Abraham. Tout comportement est le fruit d’une intention ou d’une motivation. C’est celle-ci que le roi de Guérar veut connaître.

Abraham ne cache rien de la pensée qui fut à la base de sa conduite. Une fois de plus, celle-ci est due à un préjugé négatif, une fausse appréciation de la mentalité dans laquelle devaient vivre les habitants du lieu où il s’était rendu. Abraham s’était dit que, certainement, il ne devait y avoir aucune crainte de Dieu parmi eux et que ceux-ci n’hésiteraient pas à le tuer pour lui prendre sa femme. La leçon d’Egypte sur le caractère aléatoire des suppositions et des jugements tout faits n’aura pas servi à Abraham. Une fois de plus, en écoutant ses craintes et ses pensées, Abraham a échoué sur le plan de la foi. Il avait pourtant reçu de Dieu des garanties plus fortes au sujet de Sara qu’au temps où il manqua en Egypte. Dieu ne venait-il pas de lui dire que c’est par Sara que le fils qu’Il lui a promis devait naître ? Comment pouvait-il penser après cela que quelque chose pouvait arriver à sa vie ou celle de Sara ?

Si, dans un premier temps, Abraham dit la vérité, il cherche à atténuer dans un second temps le caractère mensonger de ce qu’il a fait croire au sujet de Sara à Abimélek. Sara n’est pas sa sœur, mais sa demi-sœur, fille de son père, mais non de sa mère. Ce n’est pas par un mensonge, mais par une demi-vérité qu’Abraham a trompé Abimélek. C’est là sans doute, une fois de plus, ce qu’Abraham se disait pour calmer sa conscience. Une fois de plus, Abraham va en prendre pour son grade par la réaction d’Abimélek. Indigné, celui-ci aurait pu, comme le Pharaon, le renvoyer de ses terres. Il n’en fera rien. Passant au-dessus de la faiblesse du patriarche, non seulement il l’invite à rester dans son pays et le gratifie de multiples bienfaits (petit et gros bétail, serviteurs et servantes), mais il lui offre de plus un gage pour couvrir sa faute et relever l’honneur de Sara. Alors qu’Abraham pensait qu’il n’y avait pas de crainte de Dieu dans ce lieu, il va découvrir qu’il y a chez Abimélek une connaissance de la grâce qui dépasse la sienne.

Apprenons une fois pour toutes à faire confiance à Dieu dans toutes les situations inconnues qui se présentent à nous. Là où Dieu nous conduit, Il nous précède. Sa promesse d’être avec nous est certaine. Appuyons-nous sur elle plus que sur nos craintes, nos doutes, les impressions que la vue des choses voudrait nous donner. Ce qui est réel est ce que Dieu dit, non ce que nous voyons ou pressentons.

samedi 10 mars 2018

GENESE 19


V 1 à 11 : arrivée des messagers à Sodome

C’est avec un but et une mission précise que les messagers de Dieu, revêtus d’une forme humaine, entrent le soir à Sodome. Entrant par les portes de la ville, ils vont immédiatement en sentir l’ambiance. Plein de prévenance pour eux, Loth, le premier, vient à leur rencontre. Bien qu’étranger, Loth avait gagné en considération. Sa présence aux portes de la ville suggère qu’il n’était pas resté un citoyen de seconde zone, mais qu’il faisait partie des notables de la cité. Il exerce donc une certaine influence positive au milieu de la ville dégradée. N’étant pas dupe sur les risques que pouvaient courir des étrangers à rester dans la ville, Loth insiste pour les accueillir dans sa maison. Les messagers de Dieu s’y refusent au début. Il n’est pas question pour eux de jouir d’une condition qui les empêcherait de se faire un avis objectif sur l’état moral de la ville. Ils veulent passer la nuit sur la place, et non à l’abri d’une maison hospitalière. Bien que pleine de prévenance, l’insistance de Loth, ils le savent, risque de fausser leur jugement et leur appréciation sur la ville. La façon d’agir de Loth est toujours actuelle. Elle nous fait penser à la démarche qu’imposent aux visiteurs de leur pays certains dictateurs. En les confinant à des endroits choisis et en leur interdisant l’accès à d’autres lieux, ils ne visent qu’une seule chose : leur donner une image positive de leur nation, de son gouvernement et de son état général.

L’insistance de Loth finit par payer : les messagers consentent à faire une halte momentanée chez lui. Ils tiennent cependant à préciser les choses : celle-ci ne sera qu’une parenthèse. Les messagers sont venus pour une mission précise et pas question pour eux de passer à côté. Ils n’auront pas besoin d’attendre longtemps pour avoir la confirmation des accusations pour lesquelles ils ont quitté les cieux. Ils étaient encore à table avec leur hôte que tous les hommes de la population vinrent à la porte de la maison de Loth pour une demande inimaginable. Les concitoyens de Loth voulaient que celui-ci leur livre les étrangers pour abuser d’eux sexuellement. Il n’y avait ainsi dans la ville de Sodome, mis à part Loth, pas un homme qui ne soit un pervers homosexuel, pas un homme qui n’ait à l’égard d’un étranger le respect dû aux convenances. L’état moral de la population était tel que, dans aucune conscience, il ne subsistait de barrière censée réfréner les plus bas instincts. Arrivé à ce point de perversion généralisée, il n’y avait, pour la justice de Dieu, qu’un seul recours possible : le jugement.

Voyant la tournure que prenaient les événements, Loth tenta bien une négociation. Le contenu de celle-ci est si misérable qu’elle ne fait que confirmer la réalité de l’aperçu qu’en avaient déjà les messagers. Au lieu de faire appel à la conscience de ses concitoyens pour les appeler à la repentance, Loth leur proposa d’assouvir leurs désirs, non avec les étrangers venus loger chez lui, mais avec ses filles encore vierges. Peut-on imaginer de la part d’un père une telle proposition ! Faut-il s’étonner si, par la suite, les filles de Loth manqueront de ce respect élémentaire envers lui, le saoulant pour assurer pour elles-mêmes une postérité : v 30 à 38 ? Renversement étonnant : alors que Loth donnait ses filles à violer aux hommes de Sodome pour les satisfaire, c’est lui qui finira par être violé par elles pour qu’elles le soient !

La proposition de Loth rencontra une fin de non-recevoir par ses concitoyens. Si Loth avait gagné en estime et en considération auprès d’eux tout le temps qu’il vécut au milieu d’eux, il va vite réaliser que celles-ci n’étaient qu’un vernis. Insensible aux arguments de Loth, ses concitoyens ne retinrent de lui qu’une chose. Ils se souvinrent que Loth n’était pas des leurs, mais un immigré au milieu d’eux. En aucun cas, c’était à lui de dicter sa loi et de dire aux habitants de souche de la ville quel devait être leur comportement. Si Loth avait quelque illusion sur la force de son témoignage dans la ville et la réalité de son intégration, il tomba ici de haut. Tout ce qu’il avait construit pendant des années s’écroula en un instant. Il ne dut son salut qu’à l’intervention puissante des anges qui aveuglèrent la populace qui s’apprêtait à se jeter sur lui pour lui faire violence.

Retenons la leçon du témoignage rendu ici par l’Ecriture à Loth à Sodome ! Nous pouvons, en tant que juste et disciple de Jésus, avoir le sentiment un temps d’être accepté et considéré par la société dans laquelle nous sommes. Cela n’est vrai que dans certaines conditions. Que des enjeux se présentent à cette société, qui mettent en balance des vertus ou les valeurs morales subséquentes à notre foi, et nous verrons que rapidement le vernis du respect dont on a témoigné jusque là envers nous se fissurera. La société mondaine ne supporte pas le jugement que représente la sainteté sur elle. Vivons saintement, mais ne nous faisons aucune illusion sur le sort que le monde peut à tout moment nous réserver ! Il suffit de peu dans le monde pour que nos voisins, nos amis d’hier, ceux-là même à qui nous avons fait du bien se retournent contre nous. Notre salut se trouve uniquement dans la grâce et la protection de Dieu. Sans elles, nous ne subsisterions pas un jour dans ce monde mauvais !

V 12 à 23 : Loth sort de Sodome

La démonstration faite que les accusations qui étaient montées jusqu’à Dieu contre la ville de Sodome étaient exactes, les messages pressèrent Loth de prendre avec lui tous ses biens pour quitter au plus vite la cité avec ses proches. Car la décision de Dieu est prise. L’iniquité de Sodome est telle que le seul recours qui reste à Dieu, pour que Sa justice ne soit pas davantage piétinée face à l’énormité du péché de la ville, est Son jugement. Dieu supporte et pardonne le péché. Mais lorsque celui-ci contamine la masse des individus au point où plus aucun frein ne les arrête dans leur débordement, il atteint un point de non-retour. La dignité de Dieu l’oblige alors à agir. La longanimité de Dieu est immense. Mais elle ne peut cependant être infinie sans porter préjudice à Sa sainteté. Aussi précieuses soient pour Dieu les âmes qu’Il a faites, elles ne le sont pas au-dessus de Sa propre gloire, de l’amour que Dieu éprouve pour Lui-même. C’est pourquoi le jugement de ce monde pécheur est inévitable.

Si nous avons besoin d’une preuve que c’est uniquement du fait de la grâce de Dieu que nous sommes sauvés, nous l’avons ici avec Loth. Après ce qui s’est passé avec les gens de la ville, les messagers de Dieu sont clairs dans leurs paroles. Il y a urgence. Il n’est plus possible pour Loth et les siens de rester une heure de plus dans la ville. Le jugement de Dieu est imminent. Il faut donc sans regret quitter la cité et s’enfuir au plus vite. Loth, cependant ne l’entend pas ainsi. Certainement, Dieu va faire ce que Ses messagers lui disent. Mais les liens qui l’attachent à la ville maudite, dans laquelle il a vécu depuis tant d’années, ne se rompent pas si facilement. Loth traînant les pieds, les messagers se refusent d’attendre plus longtemps. Contre son gré et ses dispositions, ils le saisissent par la main et l’entraînent au-dehors. Là, ils l’exhortent à fuir au plus vite et le plus loin possible du brasier qui va tomber sur la ville. Mais là encore, Loth négocie, marchande. Les montagnes que les messagers lui indiquent comme refuge ne lui conviennent pas. Quel avenir y-a-t-il pour lui dans ces solitudes ? Loth est un homme de la ville. Il ne peut concevoir de vivre en-dehors d’une cité. Aussi plaide-t-il pour que, parmi les villes du District de Sodome, Tsoar l’insignifiante soit épargnée. Les messagers y consentent. Ils pressent Loth de s’y rendre sans se retourner, car, disent-ils, ils ne pourront rien faire, à cause de la volonté de salut de Dieu pour lui, avant qu’il n’y soit en sécurité.

L’homme est-il disposé par nature au salut de Dieu ? Quand le salut de Dieu opère dans sa vie, est-ce parce qu’il s’y trouve des dispositions qui font qu’il y est accueilli avec empressement ? S’il y a une preuve que ce n’est pas le cas, c’est Loth qui nous la donne. Livré à lui-même, aux dispositions de son propre cœur, Loth aurait péri avec Sodome. C’est non avec l’adhésion de son être naturel, mais contre lui, contre son gré que Loth a été sauvé, épargné. S’il y a une chose qui est certaine, c’est que, en rien, Loth ne doit son salut à lui-même. Il n’y contribue pas. Il n’y a en lui ni disposition, ni volonté qui ferait qu’il collabore activement au salut dont il est l’objet. Ce salut, il le doit à deux choses qui sont totalement extérieures à lui : la volonté de Dieu et l’intercession d’Abraham en sa faveur.

Soyons persuadé qu’il n’en est pas autrement pour nous. Si ce n’est la grâce de Dieu, nous serions perdus avec le reste des hommes. L’attachement de notre cœur au péché et à ce monde sont si forts que c’est en quelque sorte en nous arrachant à nous-mêmes que Dieu nous sauve, non avec notre consentement, mais contre lui. C’est parce que Christ a prié pour nous, les élus de Dieu, que nous ne partagerons pas avec les autres le sort que nous mériterions. « Si le juste se sauve avec peine, dit Pierre, que deviendront l’impie et le pécheur ? : 1 Pierre 4,18. » Apprenons pour nous-mêmes les leçons que nous donne l’Ecriture sur le sauvetage de Loth ! Et, plus que tout, rendons gloire et bénissons la grâce déchaînée de Dieu à qui nous devons notre salut !

V 24 à 29 : destruction de Sodome et Gomorrhe

Loth entré dans Tsoar, Sodome et toutes les villes de son district ne bénéficièrent pas d’une seconde de plus de délai. Le Seigneur fit pleuvoir du ciel un déluge de feu qui les détruisit. Aussi longtemps que la patience de Dieu perdure, le monde, avec toutes ses abominations, subsiste. Mais au jour même où elle s’arrête, tout bascule en un instant. Pour les élus, dit Paul, le retour du Seigneur ne devrait pas être une surprise. Parce que nous vivons dans Sa lumière, Lui-même veille à ce que nous en soyons conscients et que nous soyons prêts au jour où Il se produira. Mais pour ceux qui sont dans les ténèbres, cette venue aura le même effet que pour les habitants de Sodome. Elle sera soudaine et totalement inattendue comme l’est celle d’un voleur dans la nuit : cf 1 Thessaloniciens 5,1 à 6.

Même s’il le doit à la seule grâce de Dieu et à l’intercession d’Abraham, le salut de Loth l’impliquait aussi dans un domaine. Pour être épargné, Loth devait quitter Sodome sans se retourner : v 17. Comme le fit Abram au jour où il quitta Ur, la rupture avec le passé devait être entière, consommé. Il ne devait rien rester dans le cœur qui lia Loth à Sodome. Un tel détachement était trop demandé pour sa femme. Sortie de Sodome, elle ne put s’empêcher, à mi-parcours de son salut, de se retourner. Trop de choses la retenaient encore attachée dans son cœur à la ville. Le mouvement qu’elle fit en direction de la ville qui subissait le jugement de Dieu scella sa perte. A peine retournée vers elle, le regard plein de nostalgie, elle fut changée sur le champ en statue de sel. Corroboré par Jésus, le fait est un avertissement pour tous ceux qui, à son image, ne se préparent avec un cœur entier pour leur salut. « Souvenez-vous de la femme de Loth, dira le Seigneur à Ses disciples ! Que personne, au jour du Seigneur, soit trouvé retournant en arrière pour chercher ses affaires, son argent, son or, ses objets de plaisir… Celui qui, en ce jour, cherchera à sauver sa vie la perdra, et celui qui sera prêt à perdre tout ce qui l’attache à ici-bas, la préservera : cf Luc 17,31 à 33. »

Partenaire avec Dieu de la décision divine prise sur la ville impie, Abraham se leva de bon matin pour se rendre au lieu où il avait conversé la veille avec le Seigneur pour plaider le salut des justes dans la ville. Nul doute que le patriarche, cette nuit-là, ne dormit pas beaucoup. L’Ecriture ne relate pas les sentiments et les pensées qui furent les siens, lorsqu’il vit la fumée de la fournaise qui s’élevait de la ville. « Il n’y avait donc pas dix justes en elle, dut-il se dire ! » La prière du patriarche pour autant ne fut pas sans effet. Au jour où Dieu anéantit les villes du district de Sodome, Il se souvint d’Abraham et sauva Loth. Oui ! Nos prières, même si elles ne produisent pas le résultat espéré, ne sont pas vaines. Elles contribuent au salut des justes partout où ils se trouvent. Que Dieu nous trouve ainsi plaidant de tout notre cœur et de toute notre âme pour nos bien-aimés et pour le salut du monde ! C’est là notre rôle et notre raison d’être première ici-bas !

V 30 à 38 : Loth et ses filles

Après avoir vu périr Sodome et les villes du district, Loth en tire un peu tard instruction. Il décide de ne pas résider dans la ville de Tsoar où il s’était réfugié lors de sa fuite de la ville maudite, mais d’habiter dans la montagne, seul avec ses deux filles. Les raisons de la crainte de Loth ne nous sont pas expliquées. Elles peuvent être de deux ordres. Soit Loth a compris le danger que représente le milieu corrompu de la ville pour sa foi, soit Loth craint, en tant que seul rescapé de la destruction de Sodome, pour sa vie. Le cœur de l’homme est en effet si retors, qu’au lieu d’en tirer instruction pour eux-mêmes et se repentir, les habitants de Tsoar pouvaient concevoir de se venger du Dieu de Loth sur lui. Il se peut que, sentant une hostilité sourde monter contre lui dans la ville, Loth ait préféré prendre une distance salutaire avec elle, par prudence ou par anticipation.

Si cette solitude choisie de Loth put lui être bénéfique, elle sera perçue tout autrement par ses filles qui virent ici tout espoir de fonder une famille s’envoler à jamais. Quel homme oserait maintenant venir vers elle pour fonder une famille après ce qui s’était passé ? Quel avenir avait-elle, seules avec leur père dans une grotte isolée ? Ne voyant aucune perspective à leur situation, l’aînée conçut un projet qu’elle soumit à sa sœur cadette qui y adhéra. Chacune des filles à leur tour profiterait d’un soir où leur père serait enivré par leurs soins pour coucher avec lui et être enceinte de lui. Ce projet est sans nul doute l’un des plus invraisemblables que l’on puisse lire dans l’Ecriture. Il n’est pourtant que l’aboutissement fatal d’un chemin charnel depuis le début. Avec raison, l’inceste des filles de Loth avec leur père paraît choquant à notre conscience humaine. Mais n’est-il pas d’une certaine façon le pendant de la solution tout aussi immorale qu’avait conçu Loth quelque temps auparavant pour sauver la vie des messagers qu’il avait reçu : cf Genèse 19,8 ? les filles de Loth pouvaient-elles penser de façon morale, alors que leur père avait fait preuve de si peu de respect pour elles dans ce domaine dans le passé ? L’impasse dans laquelle se trouvent les filles de Loth, recluses dans leur grotte, n’est-elle pas le résultat des mauvais choix faits en amont par leur père ?

Le récit scabreux qui nous est fait ici nous interroge. Certes, chacun devra rendre compte à Dieu pour sa propre vie. Mais, en tant que parents, ne sommes-nous pas, par les choix que nous faisons, doublement responsable de ce que notre conduite induit : non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour nos enfants ? Deux exemples tirés de l’Ecriture pour illustrer cette vérité suffisent pour en attester la justesse. Si Salomon a pu être ce qu’il a été, c’est en grande partie grâce à son père David. N’est-ce pas lui qui a voulu bâtir un temple à l’Eternel et qui se l’est vu refuser par Dieu ? N’est-ce pas lui qui, avec ses forces et ses moyens, en préparera de son vivant la construction que son fils achèvera ? Le fondement du règne de Salomon repose sur David et la relation de David avec Dieu ! L’autre exemple, celui de Loth, confirme le même principe de cause à effet entre parents et enfants pour un résultat mauvais.

Dieu accordera aux filles de Loth ce qu’elles ont cherché par leur relation incestueuse. L’aîné donnera naissance à un garçon qu’elle nommera Moab (proche du mot père). La seconde accouchera d’un autre garçon appelé Ben-Ammi (fils de mon peuple). Tous deux seront pères de deux peuples qui se révéleront comme les pires ennemis d’Israël, la descendance d’Abraham. Tous les ennemis historiques d’Israël ont une origine : elle se trouve dans la défaillance de la foi ou de l’obéissance des hommes que Dieu a appelé en vue de Ses desseins. L’incrédulité et l’idolâtrie (le choix de privilégier ses intérêts, sa personne à la place de celle de Dieu, le péché de Loth) sont la source de tous les maux passés, actuels et à venir du monde. La source de tous les conflits qui gravitent autour du peuple de Dieu tient à une seule chose : les écarts de conduite de ceux qui auraient dû être en tous points la lignée sainte. Que Dieu nous donne d’apprendre de cette leçon terrible !

GENESE 33

V 1 à 16  : rencontre avec Esaü Après son combat décisif contre l’Eternel d’où il sortit blessé, Jacob vit arriver face à lui Esaü acc...