V 1 à 8 : En route vers le
sacrifice
Eduqué à l’école de la foi dès le jour où Dieu l’appela,
Abraham se trouve ici dans la classe supérieure de cette université. Alors que,
par la foi, il dut attendre 99 ans jusqu’à ce que le fils de la promesse divine
lui soit donné, l’Eternel le fait passer, à son sujet, par un dernier examen.
Après lui avoir donné Isaac dans les circonstances que l’on sait, voici que,
par un ordre sans équivoque, l’Eternel lui demande, sans lui donner de raison,
de le lui offrir en holocauste sur la montagne qu’Il lui indique. Dieu est
Dieu. Pour autant, la grandeur qui Le caractérise ne l’exempte pas de mesurer
le prix que coûte Ses ordres à celui à qui Il les donne. Dieu sait et mesure
parfaitement ce qu’Il exige d’Abraham. Oui, c’est bien Isaac que l’Eternel
demande à Abraham d’offrir, son fils unique, celui qui fait l’objet de tout son
amour. Quelle en est la raison ? Dieu perçoit-Il dans le don qu’Il lui a
fait de ce fils dans sa vieillesse un concurrent ? Dieu serait alors pris
au piège de Sa propre manière d’agir ! Si Isaac est si précieux à Abraham,
n’est-ce pas parce que sa venue a été entourée de tant de promesses et s’est
produite après tant d’années d’attente ? L’Eternel, dit le texte, voulut
mettre à l’épreuve Abraham, pas tant dans son amour que dans sa foi !
Abraham a appris dans la difficulté, par la naissance d’Isaac, à faire
confiance à Dieu envers et contre tout. Espérant contre toute espérance, il
crut et devint père : Romains 4,18.
Allait-Il maintenant continuer à croire, alors qu’Il avait ici à faire face à
deux paroles de Dieu qui semblaient s’opposer ? La première parole de
Dieu, affirmée avec l’autorité qu’elle revêt, pouvait-elle être annulée par une
seconde, revêtue de la même autorité ? Abraham allait démontrer que, dans
la foi, il ne s’agit pas d’abord pour l’homme de comprendre, mais d’obéir.
Abraham ayant reçu de Dieu un ordre clair, sans ambigüité, il
ne chercha, comme le fera Jonas : Jonas 1,3,
ni à y surseoir, ni à s’y soustraire. Se levant tôt le matin (peut-être
avait-il mal dormi), il sella un âne, prit deux serviteurs et son fils Isaac,
ainsi que le bois nécessaire à l’holocauste, et se mit en route. Le texte ne
nous dit rien de l’atmosphère qui régnait entre les voyageurs le temps de leur
déplacement. Il fait juste mention de deux paroles dites par Abraham, l’une à
ses serviteurs lorsqu’il leur demanda de ne pas les suivre avec Isaac jusqu’au
terme de leur voyage, l’autre en réponse à une question posée par son fils. Les
deux réponses vont dans la même direction. Elles témoignent de la réflexion
intense d’Abraham au sujet de l’ordre insensé de Dieu. Le patriarche a fait son
choix. Quoi que semblent montrer les apparences, la promesse première de Dieu
au sujet de son fils ne saurait être rendue caduque par l’ordre dernier que
Dieu lui a donné. L’épître aux hébreux nous dit quelle conviction habitait
alors Abraham. Il estimait, dit l’auteur, que Dieu avait, après lui avoir donné
un fils dans sa vieillesse et par une femme stérile, le pouvoir de ressusciter
un mort : Hébreux 11,19. Abraham nous
enseigne par sa conviction que la foi qui ne prend en compte ni le surnaturel,
ni la puissance de Dieu, n’est pas une foi accomplie. S’il fallait que
l’holocauste soit offert, il le serait. Mais quoi qu’il en soit, il le leur
dit, Abraham reviendrait auprès de ses serviteurs avec Isaac. De même, Dieu
déciderait de qui devait mourir. Lorsqu’Il donne un ordre, Il donne aussi les
moyens de l’accomplir. A l’inquiétude de son fils qui lui demandait où se
trouvait la victime pour l’holocauste, le père attesta qu’il s’en remettait à
Dieu pour cette affaire. Il y pourvoirait en son temps. Mais que Dieu donne un
animal en remplacement d’Isaac, ou qu’il doive aller jusqu’au bout, Abraham
était prêt !
V 9 à 14 : le moment du sacrifice
Arrivé au lieu désigné par l’Eternel, Abraham prépara tout ce
qui était nécessaire pour le sacrifice. Il bâtit de ses mains l’autel sur
lequel devait, sur ordre de l’Eternel, être offert son fils. Il disposa ensuite
le bois par lequel il devait être consumé. Puis, de ses mains, il prit son
fils, son unique, celui qu’il aimait, pour le lier et le mettre sur l’autel et
le bois. Il ne lui restait à ce stade plus qu’une chose à faire : prendre
le couteau pour l’égorger et aller ainsi au bout de l’obéissance à laquelle
Dieu l’appelait.
Père et fils, Abraham et Isaac sont, à ce stade de leurs vies
tous les deux une image, une préfiguration de ce qui se passera à l’intérieur
même de la Famille divine à Pâques. Une lecture rapide des Evangiles pourrait
nous faire croire que les responsables de la mort de Jésus sont à la fois les
Juifs et les romains. Personne ne nie qu’ils y aient pris une part active. Ce
serait cependant s’arrêter uniquement à la considération humaine des choses de
penser cela. Car, si Jésus était bien ce qu’Il a dit être, le Fils unique,
éternel et bien-aimé de Dieu, personne n’aurait pu toucher à Sa vie sans
l’autorisation du Père. Jésus Lui-même a attesté, peu avant sa mort, cette
réalité, alors qu’Il était avec Ses disciples dans le jardin de
Gethsémané : Matthieu 26,52-53. En vérité,
même si ce sont des mains humaines qui ont dressé la croix et planté les clous
dans les membres de Jésus, c’est, comme dans le cas d’Abraham, le Père éternel
qui a préparé de toute éternité ce moment pour Son Fils : Apocalypse 13,8 ; 1 Pierre 1,19-20. « Qui
donc a livré Jésus à la mort, demande Octavius Winslow, un commentateur
biblique. Non pas Judas, pour de l’argent. Non pas Pilate, par crainte. Non pas
les Juifs, par jalousie -mais le Père, par amour ! » Oui, dit Paul,
pour notre salut éternel, le Père n’a pas voulu, alors même qu’Il le lui a
demandé un instant : Matthieu 26,42 à 44,
épargner Son Fils. Il l’a livré à la mort pour nous tous : Romains 8,32. Si ce ne fut le cas pour Isaac, le Fils
de Dieu est mort de la main même de Son Père pour nous !
La preuve donnée à Dieu par Abraham que la primauté lui
revenait dans sa vie sur tout et tous, l’Eternel arrêta son bras au moment même
où celui-ci allait s’abattre sur son fils. Dieu attira alors ses regards sur
une victime préparée pour remplacer Isaac : un bélier retenu à quelques
distances par les cornes dans un buisson d’épines. Abraham détacha son fils, le
descendit de l’autel et offrit à sa place l’animal en entier. L’histoire finit
bien aussi bien pour Abraham que pour Isaac, mais elle restera pour tous les
deux une expérience marquante. Un nouveau nom, significatif de ce qu’il a
appris, sera donné par Abraham au lieu où Dieu lui a fait vivre Son intervention
de manière si puissante. Plus que jamais, Abraham, ici, fait l’expérience que
Dieu, son Dieu, est un Dieu vivant, un Dieu qui voit, qui entend, qui agit.
C’est pourquoi, il baptisa le lieu où il se trouvait « YHWH
voit ! ». Oui, Dieu est le Dieu qui voit ! Et parce qu’Il voit,
nous ne devons jamais craindre qu’Il ne vienne trop tard. Au paroxysme de la
tension la plus grande, à la dernière limite des choses, Dieu peut encore tout
arrêter, tout changer. Pour Isaac, l’expérience vécue équivaudra à une conversion
personnelle. Connu par son père, le Dieu d’Abraham va devenir en ce jour la
terreur d’Isaac : Genèse 31,42. En ce jour,
Dieu ne sera plus seulement le Dieu d’Abraham. Il devient, par une rencontre
personnelle, le Dieu d’Isaac, ce qu’Il veut être aussi pour nos fils et nos
filles !
V 15 à 19 : renouvellement de la
promesse avec serment
Le sceau ayant été mis à la foi d’Abraham par le sacrifice
volontaire d’Isaac, Dieu scella à Son tour la promesse qu’Il lui fit le jour où
il crut. Ne pouvant jurer par plus grand que Lui-même : Hébreux 6,13, Dieu lui certifia par serment que ce
qu’Il lui a promis au jour de Son appel se réaliserait pleinement dans Sa
descendance. Pour que Dieu aille au bout de ce qu’Il peut donner comme garantie
et assurance au sujet de Sa Parole à Abraham, il fallait que celui-ci aille au
bout de sa consécration. Pour que Dieu mette le poids de Sa Personne et de Son
honneur en jeu dans la réalisation de la promesse faite à Abraham pour son
fils, il fallait que celui-ci mette le poids de son fils comme preuve de sa
volonté d’obéissance sans réserve à Dieu. Mystère de Dieu ! L’engagement
le plus total de Dieu envers celui qui est bénéficiaire de Ses promesses est
lié à l’engagement le plus total de celui-ci dans la soumission à Sa Personne.
Il faut, dit l’Ecriture, que ce soit de Lui, par Lui et pour Lui que soient
toutes choses, afin que la gloire Lui revienne à Lui seul : Romains 11,36. Le « par Lui » de Dieu passe
par ceux qu’Il a choisis. Il ne se réalise pleinement dans le but recherché (à
savoir que la gloire Lui revienne à Lui seul), que lorsque celui qui en est
l’outil lui appartient tout entier. Ainsi, c’est lorsqu’Abraham a fait la
preuve qu’il était prêt à ne rien retenir pour lui-même de ce qui était à Dieu,
mais qui lui était le plus précieux (Isaac), que Dieu a pu s’engager avec une
telle force à réaliser à travers lui Ses promesses et le dessein qu’Il s’était
proposé.
Voulons-nous avoir la certitude que Dieu réalise à travers
nous Son dessein ? Il n’y a de notre part qu’un chemin, qu’une voie à
suivre : celui de l’holocauste de notre vie, et de ce qu’elle a de plus
précieux, sur Son autel. Aussi longtemps que nous retenons quelque chose pour
nous-mêmes de ce que Dieu nous a donné, nous ne devons pas nous étonner de
n’avoir aucune assurance dans la foi au sujet de l’œuvre que Dieu a en vue par
nous. La consécration exige que nous ne retenions rien de ce que Dieu nous a
donné, fut-ce un Isaac, pour nous. C’est lorsque l’holocauste est sur l’autel
que Dieu est satisfait, pas avant. C’est lorsque l’holocauste est sur l’autel
qu’une odeur agréable monte de la terre jusqu’au ciel et qu’Il ouvre,
comme des écluses, le champ de Ses promesses : Genèse
8,20-22. Seigneur, que, par Ta grâce et Ton œuvre incessante dans nos
cœurs, nous soyons tout à toi afin que Toi, Tu puisses être, comme Tu le veux,
tout à nous !
V 20 à 24 : postérité de Nahor
Vivant dans le pays de Canaan, Abraham ne fut pas sans
nouvelle du reste de sa famille. Par une voie qui ne nous est pas précisée, il
apprit que son frère Nahor donna le jour à une nombreuse famille au travers de
sa femme Milka et de sa concubine Réouma. Au milieu de tous ses fils, il donna
naissance également à une fille Rébecca. Ici est posée la charnière par
laquelle la promesse de bénédiction, dont Dieu vient de garantir avec tant de
force la réalisation, s’accomplirait. De même qu’il en ainsi dans l’histoire,
rien n’est écrit au hasard dans la Parole de Dieu. Avec le don de son fils, l’Ecriture
nous a conduit au sommet de l’éducation de la foi d’Abraham. L’heure est venue
de passer à la formation de celle de son fils Isaac, héritier des promesses
divines. Le récit de la généalogie de Nahor, avec la mention de Rébecca, joue ce
rôle d’entrée en matière. Une nouvelle étape commence ici dans le déroulement
du projet de Dieu. Il en est ainsi de nos vies, au jour où le Seigneur nous
invite à passer le relais à la génération qui nous suit. Que Dieu nous donne la
grâce d’être aptes, dans les événements qui se produisent et les nouvelles que
nous entendons, à reconnaître la direction de Dieu pour l’avenir !