vendredi 23 mars 2018

GENESE 21


V 1 à 8 : naissance d’Isaac

Comme Dieu l’avait promis à Abraham et Sara, dans le délai qu’Il avait Lui-même fixé, Isaac naquit un an après la visite de l’Eternel. Malgré la joie que dut être cette naissance pour Sara, celle-ci ne put se départir de l’impression de ridicule qu’elle ressentait à l’égard du grand âge auquel Dieu les avait forcés pour recevoir ce fils promis. Si elle comble nos cœurs et nos espérances, les grâces dont nous sommes l’objet de la part de Dieu ne nous sont pas données pour nous honorer. Elles correspondent au temps de Dieu, à Son dessein, à l’objectif qu’Il a de tout faire concourir à la louange de Sa gloire. Dieu n’est pas l’instrument de notre satisfaction, c’est nous qui Le sommes à la Sienne. Le nom que Dieu voulut que ses parents donnent à ce fils, Isaac (Rire) est là pour le leur rappeler.

Selon l’ordre donné par Dieu dans le cadre de l’alliance qu’Il a établie entre Lui et Abraham, Isaac fut circoncis 8 jours après sa naissance par son père. La circoncision est le signe d’appartenance d’Isaac au peuple que Dieu voulait se former au travers d’Abraham. Nourri au sein, Isaac grandit. Une première étape de sa croissance fut atteinte le jour où il fut sevré : une fierté pour Abraham qui offrit un grand festin à tous ses amis et les membres de son clan pour ce jour. Abraham nous rappelle ici l’importance de célébrer ensemble les grands événements de la vie. La célébration n’est pas anodine. Elle pose des repères et permet à tous de se rappeler les grandes étapes de notre parcours ou de celui de la communauté ! Elle est aussi l’occasion de compter les bienfaits de Dieu et de nous souvenir des trésors de la grâce dont nous sommes l’objet !

V 9 à 21 : renvoi d’Hagar et d’Ismaël sur la demande de Sara

Isaac grandissant, Sara perçut Ismaël, le fils d’Hagar, comme une menace et une source de souffrance potentielle pour lui. Le texte de la genèse est sobre quant à la raison pour laquelle un tel sentiment naquit dans le cœur de Sara à ce sujet. Mais l’Ecriture, l’expliquant plus tard, va plus loin. Sous l’inspiration de l’Esprit, Paul affirme qu’Ismaël persécutait, sans doute par jalousie, son petit frère : Galates 4,29 (voir aussi Psaume 83,7). Le rire d’Ismaël, mentionné ici, n’était pas que l’expression gentille d’un amusement entre frères. Il était plutôt celle d’un mépris, d’une moquerie de la part d’un aîné qui devait sentir que le petit dernier occupait une place plus importante que lui dans le cœur de son père.

Quelle solution pouvait être trouvé à ce dilemme ? Alors que nous cherchons parfois des solutions humaines pour arranger les choses, Dieu estime que la meilleure est dans la séparation. Si Dieu opte pour une telle situation ici, nous devons cependant nous garder pour nous-mêmes d’y opter, dès qu’il y a conflit, aussi avec légèreté. Ce qui sépare Ismaël d’Isaac ne relève pas seulement d’une question de jalousie. C’est une question de nature. Ismaël, explique Paul, est le fruit de la chair, de la nature humaine. Isaac est le fruit de l’Esprit, de l’œuvre de Dieu. Or, il n’y a aucune possibilité d’accord entre ce qui est né de la chair et ce qui est né de l’Esprit : Galates 4,29-30.

Ce n’est pas d’Abraham, mais de Sara que viendra l’impulsion qui conduira Abraham, avec l’approbation de Dieu, à chasser Hagar et Ismaël. La question qui est au cœur de la demande de séparation de Sara au sujet d’Ismaël ne touche pas à la relation ou aux affections de celui-ci avec son fils. Le rire moqueur d’Ismaël aurait pu, à la rigueur, être corrigé. Ce qui préoccupe Sara est l’héritage, la transmission qui doit se faire tôt ou tard des richesses, de la primauté et des bénédictions qu’a reçues Abraham de la part de Dieu à sa descendance. Car si, pour l’heure, il y a un chef de tribu reconnu, demain, il sera nécessaire de départager entre les fils qui sera celui qui héritera le patriarcat d’Abraham et tout ce qui s’y rapporte. Habituellement, c’est à l’aîné, en vertu de son droit de premier-né, que revient cet honneur. Or, l’aîné ici est Ismaël, un fils bâtard. Le fils légitime est Isaac.

Au vu de la situation, on comprend ici que ce soit par Sara que la volonté de Dieu, à ce sujet, va s’accomplir. Dans l’histoire, mis à part le fait que ce soit par son initiative qu’Ismaël est né de l’union d’Abraham avec Hagar, Sara n’a pas de lien de sang avec Ismaël. Elle seule possède la légitimité pour formuler une telle demande. Celle-ci, dit le texte, déplut fort à Abraham. Certes, Isaac est le fils de la promesse divine, mais Ismaël est sa chair et son sang. Dans cette affaire, Dieu estime cependant qu’il n’y a pas de place pour les sentiments humains. Les questions spirituelles relèvent d’un ordre qui le dépasse, celui de la volonté et du dessein de Dieu pour tous les peuples et toutes les générations. Si Dieu n’a pas épargné Son Fils pour que le plan de rédemption qu’Il avait conçu de toute éternité se réalise, il n’y a rien d’étonnant à ce que, pour que sa volonté se réalise par nous, nous soyons amenés à sacrifier ce qui, sur le plan affectif, a une grande valeur pour nous. Paul l’expliquera plus tard. Toutes deux proches d’Abraham, Hagar et Sara sont l’allégorie de deux alliances, l’une symbolisant l’esclavage (Hagar), l’autre représentative de la liberté (Sara) : Galates 4,24 à 27.

L’histoire des deux femmes d’Abraham est, aux yeux de Paul, une allégorie. Elle est une représentation figurative d’une réalité. Les deux femmes représentent les deux alliances. Agar, dont le nom arabe signifie Sinaï, est le symbole de l’alliance contractée avec Moïse sur le mont portant le même nom : l’alliance de la loi. Cette alliance est celle dans laquelle se trouve la Jérusalem d’en bas, qui ne connaît pas la liberté. C’est l’alliance de la loi qui, à cause du péché, enferme les hommes dans la servitude d’une obéissance impossible sous le joug de règles et de commandements intenables. Paul l’affirme : comme Ismaël fut séparé d’Isaac et privé de l’héritage d’Abraham, ceux qui vivent sous le régime de la loi n’auront aucune part à l’héritage céleste de Dieu. Les plus grandes promesses sont, par contre, données dans l’Ecriture à celle qui était stérile, Sara, et qui représente la Jérusalem céleste, qui verra, selon le prophète, une postérité plus nombreuse que sa concurrente : Esaïe 54,1.

Si Israël et l’Eglise sont, trop souvent, considérés comme deux entités distinctes, cela ne semble pas être le cas pour Paul. Selon l’apôtre, il n’y en a en fait qu’un seul Israël, celui qui descend d’Isaac, le fils de la promesse, l’Israël de Dieu : cf Galates 6,16 dans lequel sont inclus tous les croyants élus par grâce et justifiés par la foi. On ne doit qu’à une mauvaise interprétation de séparer l’Eglise et Israël en deux entités qui ne se recoupent pas. L’Eglise est l’accomplissement de la promesse faite à Esaïe au sujet de la Jérusalem d’en-haut, plus peuplée de descendants d’Abraham que celle d’en bas, qui le sont par la chair.[1]

Il nous faut ici une fois de plus nous arrêter pour retenir notre souffle quant à la portée que Dieu donne aux carrefours de l’histoire de la vie d’Abraham et Sara. Comme Esaïe le rappelle, Abraham et Sara sont pour le peuple de Dieu le creuset d’où il sort : Esaïe 51,1-2. Aussi, rien n’est anodin dans les événements qui touchent à leur vie. Tout est fondateur, génétique et génésique de l’avenir. Tels sont à la fois le privilège et la responsabilité terrible des pères. Il est fort à douter cependant que, dans cette affaire, ni Sara ni Abraham n’aient eu conscience de la portée de leur décision. Sara n’y voyait qu’une affaire humaine. Esprit éternel qui est au-delà du temps, Dieu orientait les choses de leurs vies en vue de l’accomplissement de Son dessein. Soyons convaincus pour nous que la même main souveraine de Dieu guide toutes choses dans les coulisses de notre histoire, comme dans la grande histoire des peuples.

Comme ce fut le cas pour Hagar lorsqu’elle fuyait Sara dans le désert, Dieu ne se contenta pas de dire à Abraham ce qu’il n’avait pas envie d’entendre, à savoir qu’il lui fallait se séparer d’Hagar et d’Ismaël. Dieu lui donna avec cet ordre des promesses au sujet de son fils. Ismaël ne sera pas l’héritier d’Abraham. Ce n’est pas lui qui sera celui par qui la promesse spécifique de Dieu liée à la bénédiction de l’humanité se réalisera. Mais Ismaël n’est pas sans avenir devant Dieu. L’Eternel a pour lui et ses descendants une place dans l’histoire. Lui aussi deviendra une grande nation, un grand peuple.

Pour la seconde fois, nous apprenons que lorsque Dieu discipline, Il ne le fait jamais de manière à ce que cela nous laisse à la fin un goût amer. La pédagogie de Dieu sera toujours de nous amener à comprendre en quoi ce qu’il nous demande de sacrifier ou d’abandonner est bon pour le grand but qu’Il vise avec nous. Dieu ne cherche jamais, en nous demandant de nous séparer de quelque chose ou de quelqu’un, à nous appauvrir, mais à nous enrichir. Il veut que nous sachions que lorsque nous lâchons prise sur ceux qui nous sont précieux, ils ne sont pas abandonnés pour autant. Ils ne sont plus sous notre main, mais ils sont toujours sous la main de Dieu. Ils ne sont plus liés à nous pour la suite de leurs vies, mais cette séparation est nécessaire pour que le plan de Dieu s’accomplisse envers eux.

Rassuré par la promesse de Dieu au sujet d’Ismaël, Abraham exécuta le vœu de Sara d’éloigner Hagar et son fils du clan familial. Se levant de bon matin, Abraham prit du pain et une outre d’eau dont il chargea Hagar et il la renvoya avec son fils. Même si Abraham était rassuré par la parole de Dieu à leur sujet, nul doute que ce ne fut pas sans un serrement de cœur qu’il consentit à l’ordre de Dieu. La preuve en est qu’il ne dormit peut-être pas beaucoup cette nuit-là. Abraham le savait. Ce n’est pas avec ce qu’il lui donnait en partant, que l’avenir d’Hagar et d’Ismaël était assuré. Et eux-mêmes, comment allaient-ils interpréter cette volonté d’éloignement dont ils étaient les objets de sa part ? Tout dans cette histoire, si Dieu n’y veillait pas, pouvait tourner au drame. Il est des moments où, pour les hommes de foi, l’obéissance à Dieu peut être cruelle pour tous. C’est ici qu’il faut nous rappeler que Dieu, toujours, sait ce qu’Il fait, que ce qui passe pour un mal à nos yeux, s’Il l’ordonne, finira par un bien.

Renvoyés par Abraham, Hagar et Ismaël quittèrent Guérar pour se diriger dans le sud du pays vers l’Egypte. Sans autre aide que leur propre discernement, ils vinrent à errer dans le désert de Beer-Shéba et à se perdre. La provision d’eau vite épuisée, le désespoir ne tarda pas à s’emparer d’Hagar. Déposant Ismaël à l’ombre d’un arbrisseau, elle alla s’asseoir à une distance d’une portée d’arc pour ne pas avoir à assister à la mort de son fils. Malgré les apparences, Hagar n’était pas hors de portée du regard du Seigneur. Même s’il lui semblait être à l’extrémité (et elle l’était), au vu des promesses que Dieu lui avait faites, ainsi qu’à Abraham, pour son fils, il était impossible que leur histoire s’arrête là. Le même messager de Dieu qui lui apparut lorsqu’elle fuyait Sara dans le désert : Genèse 16,7, la visita ici pour la seconde fois pour la rassurer. Non seulement, il avait vu et entendu ses pleurs, mais, dit-il, il a aussi entendu les pleurs et peut-être la prière de l’enfant. C’est le cri du plus faible qui émeut le plus le cœur de Dieu. Le messager de Dieu ordonna à Hagar de se lever. Il réitéra la promesse qu’il lui avait faite lors de leur première rencontre. Ismaël ne peut périr. La promesse de Dieu est formelle : en tant que fils d’Abraham, il deviendra lui aussi une grande nation. Puis il lui fit voir où Hagar allait pouvoir se ressourcer pour poursuivre sa route : un puits qui se trouvait à quelque distance. Comme il le fait pour chaque ordre qu’Il donne, Dieu sollicite la foi d’Hagar avant de lui révéler les moyens par lesquels, dans la foi, elle pourra obéir. Hagar et l’enfant rassurés et désaltérés, ils purent atteindre le désert de Paran, près de l’Egypte où ils s’installèrent. La main de Dieu fut avec l’enfant qui grandit et devint un habile chasseur. Sa mère assura son avenir en lui donnant une femme de son pays, l’Egypte.

V 22 à 34 : alliance d’Abraham avec Abimélek

 Ayant peut-être été témoin du miracle que représente la naissance d’Isaac, ainsi que de d’autres faits, Achimélek, sur les terres duquel Abraham avait immigré, dut se rendre à l’évidence. Cet homme n’était pas comme les autres. Sa vie portait la marque de la signature de Dieu. Le témoignage sincère d’Achimélek rejoint celui qui, dès siècles plus tard, sera apporté à Jésus par Nicodème : Jean 3,2. Certes, nous sommes appelés, en tant qu’élus et enfants de Dieu, à témoigner de Lui par nos paroles. Mais là ne se trouve pas la vraie force du témoignage. Elle l’est lorsque, d’une certaine manière, c’est Dieu qui, aux yeux du monde qui nous entoure, manifeste de manière évidente qu’Il est avec nous : cf Actes 2,47.

Habité par la crainte de Dieu, Achimélek, le roi de Guérar, comprit où était son intérêt dans la relation qu’il avait avec Abraham. Puisque Dieu était avec cet homme, mieux valait faire alliance avec lui pour s’en faire un ami. C’est ce qu’il fit. Ayant fait preuve de bienveillance à l’égard du patriarche, Achimélek le sollicita pour que, par engagement solennel, il agisse avec la même réciprocité à son égard. Achimélek devait le pressentir : le projet de Dieu à travers Abraham n’allait pas s’arrêter à l’état dans lequel il se trouvait sur le moment. Par la grâce de Dieu qui était avec lui, Abraham allait devenir un grand peuple. Achimélek prend donc les devants. Si Abraham est appelé à se multiplier, mieux vaut, en prévision de l’avenir, consolider les relations. Que leur cohabitation paisible, alors qu’Abraham est encore faible, ne tourne pas à l’affrontement, quand il sera fort.

Abraham adhéra à la démarche d’Achimélek. Selon sa demande, il jura qu’il agirait envers lui à l’avenir de la même manière que le roi de Guérar avait agi envers lui dans le passé. Abraham profita de l’occasion pour régler une affaire qui, dans cette cohabitation, l’avait froissé. Alors qu’il avait creusé un puits à Beer-Shéba, les serviteurs d’Achimélek s’en étaient emparés de force. Abraham, n’ayant pas voulu provoquer un conflit, n’avait pas réagi. Mais il désirait que l’injustice soit réparée. Achimélek protesta de son innocence. Une telle chose s’était passée à son insu. Elle était due à l’initiative de ses gens, comme cela se produit souvent dans un organisme constitué de plusieurs échelons d’autorité. Abraham inclut la restitution du puits creusé dans l’alliance contractée avec Achimélek.

L’alliance entre Abraham et Achimélek témoigne que les rapports entre l’autorité séculière et le peuple de Dieu n’ont pas à virer obligatoirement à l’hostilité. Les autorités séculières ont, pour leur bien, tout intérêt à respecter le peuple de Dieu et ses droits. Car, avec lui, il y a une autorité de laquelle elles dépendent aussi pour leur propre bien. Que chacun, là où il est, tienne donc sa place et garde son rang, respectant au mieux celui de l’autre. C’est en cela que la vie de chacun ici-bas peut se passer de la manière la plus cordiale et la plus paisible.


[1] Commentaire aux Galates

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