V 1 : c’est sous la forme d’un animal, un
serpent, que le tentateur se présente à Eve. Plusieurs choses peuvent être
dites ici. Pour quelle raison l’approche du tentateur s’est-elle faite par ce
procédé ? Eve n’aurait-elle pas dû trouver étrange de voir un animal lui
adresser la parole ? Pour la première question, la réponse se trouve
peut-être dans ce qui nous est dit au sujet de la caractéristique du
serpent : le serpent était le plus avisé, sagace, rusé de tous les animaux
que le Seigneur avait faits. Le support utilisé par le diable est en phase avec
l’objectif qui est le sien : séduire, tromper pour faire chuter. D’autre
part, une des raisons pour lesquelles le diable a choisi d’utiliser le serpent
tient au fait qu’il n’avait guère d’autres choix. Qui pouvait s’adresser de
vive voix à l’homme dans le jardin, mis à part Dieu et un autre homme ?
Or, Satan ne pouvait utiliser ni l’un, ni l’autre, le premier parce que cela
n’était pas en son pouvoir, le second, parce qu’il n’y avait d’autres êtres
humains qu’Adam et Eve. Il dut donc se rabattre sur le monde animal pour
trouver un média et il choisit parmi les animaux celui qui était le plus propre
par ses qualités naturelles à lui servir de moyen pour arriver à ses fins. Pour
la seconde question, oui, Eve aurait dû à double titre être étonné de ce
fait : par son incongruité même d’une part, et, d’autre part, par le fait
que c’est à elle seule, et non au couple ou à Adam, que le serpent s’adresse.
Le chef n’était-il pas Adam, et non elle ?
La question posée par le serpent : elle témoigne du fait
que celui-ci était au courant de ce que Dieu avait dit à Adam lorsqu’il le créa
et le plaça en Eden : Genèse 2,16-17. Il
s’adresse subtilement à Eve, alors que c’est à Adam, le chef, que Dieu avait
donné Ses ordres. Elle est formulée de manière à ce que, dans la réponse d’Eve,
son attention soit inévitablement concentrée sur l’arbre interdit. Il y a déjà
une manœuvre de manipulation de sa part dans la façon dont il entre en dialogue
avec Eve. Ce n’est pas pour rien que la caractéristique majeure du serpent est
la ruse. La ruse, c’est l’intelligence au service de la tromperie, le propre
même de la manipulation. La question porte sur les termes exacts de ce que Dieu
a dit. C’est sur la Parole de Dieu, ses termes exacts, que le combat du diable
se porte. S’il peut nous amener à croire à une version atténuée ou quelque peu
faussée des termes que Dieu utilise lorsqu’Il parle, il a gagné. C’est pourquoi
Jésus lui répondra par les mots exacts de la Parole lorsque, en second Adam, il
sera lui aussi tenté : Luc 4,4.8.12. Que
Dieu nous accorde dans Sa grâce une compréhension claire et biblique des mots
qu’Il emploie pour dire les choses, donner Ses ordres et décrire la
réalité !
V 2 et 3 : qu’aurait dû faire Eve
face à la question posée ? La première chose est qu’elle aurait dû ne pas
répondre elle-même, mais renvoyer le serpent à Adam. Ce n’était pas à elle,
mais à lui de lui faire face. La première faute d’Adam a été son silence face à
l’initiative d’Eve de répondre au serpent. Comment les choses se sont-elles
exactement déroulées ? Nous ne le savons pas ! Eve était-elle seule
au début et son mari est-il venu en cours de conversation ? Ou était-il là
dès le début et a-t-il laissé faire ? Une des choses les plus étonnantes
dans le récit qui nous est rapporté est la passivité totale d’Adam. Il ne dit
rien et lorsqu’Eve prend le fruit, puis lui en donne, ne fait rien.
Dans sa réponse, Eve commence par rétablir la vérité. Alors
que Satan met dès le début l’accent sur ce qui n’a pas le droit d’être mangé,
Eve répond par ce qu’elle et son mari ont le droit de faire. La conversation
aurait dû s’arrêter là ou aurait dû prendre cette forme : « Si !
Dieu nous a donné le droit de manger de quantité de fruits des arbres du
jardin ! Il y en a tellement que cela nous suffit largement. Leur
abondance est le témoignage de la grande bonté de Dieu envers nous. Ce
témoignage nous suffit pour nous dire que si Dieu nous interdit quelque chose
dans le jardin, Ses raisons là aussi sont bonnes pour nous ! »
Mais Eve tombe dans le piège ! Elle donne plus
d’importance dans sa réponse à l’arbre interdit. Elle ajoute au commandement de
Dieu le fait même de ne pas y toucher. Cet ajout n’est pas mauvais en soi.
Quand quelque chose est interdit et mortel, la meilleure façon de s’en
préserver est de s’en tenir à distance, de ne pas l’approcher. L’ajout d’Eve
témoigne qu’elle avait compris quelle implication concrète avait pour elle
l’avertissement de Dieu au sujet de l’arbre. Mais le fait demeure :
l’arbre interdit est au cœur de la conversation. Il occulte tout le reste et
devient l’objet premier de l’attention d’Eve, ce à quoi voulait aboutir le
serpent.
V 4 et 5 : à partir de là, tout le
discours du serpent poursuivra un seul but : démystifier la menace qui
pèse sur le fruit de l’arbre interdit. Et à ce sujet, Satan s’est montré un
expert. Alors que la menace formulée par Dieu est encore dans la bouche d’Eve,
il la nie. Puis il poursuit en disant qu’au contraire, le fait de transgresser
l’interdit ne leur nuira pas, mais apportera un plus à leur condition qu’ils ne
connaissent pas encore : être comme des dieux. La seule manière de
convaincre un homme de faire ce qui est mal est non seulement de nier les
conséquences que ce mal aura sur sa vie, mais de lui faire croire que le mal
qu’il fera lui apportera en fait un bien. Le fruit de l’arbre de la
connaissance du bien et du mal n’est pas encore mangé par Eve que son poison
est déjà distillé dans son esprit par les propos du diable.
V 6 : d’un jugement objectif sur les
choses, fondé sur la parole de Dieu, Eve passe sous l’effet du poison du doute
à un jugement subjectif de la réalité. La puissance de la tentation ne se
manifeste pas seulement dans l’invitation du diable à goûter au fruit interdit.
Elle est aussi dans les impressions, les sentiments faussés qui se produisent
en nous à partir du moment où nous considérons la proposition qui nous est
faite. Chaque fois que nous jugeons de la gravité d’une chose à partir de nos
sentiments, notre jugement s’en trouve faussé. Avant même qu’elle ait goûté à
son fruit, il nous est dit que la femme vit que l’arbre était bon pour la
nourriture, ce qui en soi-même est une absurdité. La subjectivité fait que
c’est à partir des impressions visuelles, de l’apparence que l’on juge du
bienfait d’une chose. L’objectivité fait que c’est l’avis de Dieu, un avis
extérieur à nous-mêmes, l’avis de la seule personne apte à nous dire ce qui est
bien et ce qui est mal, qui dicte notre comportement en la matière. Eve va
faire l’expérience amère que l’avis qui était juste était celui de Dieu. L’avis
de Dieu est toujours celui qui correspond à la réalité. Si nous n’en tenons pas
compte, les faits nous le prouveront rapidement.
Ce qui étonne ici, comme déjà dit, est la passivité totale
d’Adam. L’instrument de séduction du diable pour Adam n’est pas le fruit en
lui-même, mais Eve. Celle qui devait être son vis-à-vis, une aide est devenue
l’instrument de sa chute, de sa désobéissance à Dieu. Le péché d’Adam n’est pas
tant d’avoir pris du fruit que d’avoir choisi de lier son sort à celui d’Eve
dans la désobéissance à Dieu que Lui être resté fidèle. Le don que Dieu a fait
à Adam d’Eve par amour pour lui se retourne contre Lui. Le cadeau de Dieu est
devenu dans son cœur plus important que le donateur. Ce n’est pas là une
interprétation particulière de ce qui s’est passé, mais la version qu’Adam va
lui-même donné des faits : Genèse 3,12.
V 7 : la promesse faite par le serpent se
réalise : les yeux d’Adam et Eve s’ouvrent. La question est de savoir sur
quoi ils s’ouvrent. En leur promettant que, s’ils mangent du fruit interdit,
leurs yeux s’ouvrent, Satan leur suggère qu’ils pourront avoir accès à une
connaissance des choses à laquelle ils n’ont pas droit. Il leur fait ainsi
croire que Dieu les maintient par l’interdit dans un état d’infériorité ou de
limite volontaire. Mais qu’ils mangent du fruit de l’arbre et tout un domaine
de connaissances auquel ils n’ont pas accès va s’ouvrir à eux ! Satan
inverse les rôles. Il se fait passer pour celui qui, dans l’histoire, est le
bon, le généreux, le prodigue et il fait passer Dieu pour celui qui, par
mesquinerie, cherche à se garder pour lui les hommes en les enfermant dans une
sphère de connaissance qui les empêche de voir ailleurs et au-delà ce qui peut
exister.
Les yeux d’Adam et Eve s’ouvrent, mais la connaissance à
laquelle ils ont accès n’est pas celle à laquelle ils s’attendaient. Le premier
sentiment qui les envahit, sentiment qui leur était étranger jusque-là, est la
honte. La honte est un sentiment qui nous pousse à nous cacher aux regards
d’autrui à cause de ce que nous découvrons de nous et qui avilit notre dignité.
La honte s’éprouve toujours face à autrui. C’est une émotion à caractère social
qui vient du fait que, quelque part, nous nous trouvons quelque chose qui nous
dégrade par rapport aux normes éthiques et sociales de notre environnement. La
honte éprouvée ici par Adam et Eve n’a pas qu’un aspect négatif. Ne pouvant
supporter d’être exposés nus face au regard de l’autre, chacun cherche à se
fabriquer quelque chose qui le couvre, qui le rend de nouveau honorable à sa
propre vue et à celle d’autrui. La honte nous pousse à reconquérir ou à
retrouver notre dignité, ce qui est justement le but de la rédemption. Une
société qui n’a plus honte de rien est une société qui ne peut plus être
rachetée. Rien n’est pire que de mettre sa gloire dans ce qui devrait faire sa
honte : Philippiens 3,19.
Au lieu d’apercevoir le mal du sommet du bien, Adam et Eve
aperçoivent le bien du fond de l’abîme du mal. L’expérience n’est pas toujours
le meilleur maître ; l’homme en fait souvent les frais ! Plus les
yeux d’Adam et Eve et de l’humanité s’ouvriront sur les possibilités du mal,
plus ils se fermeront sur celles du bien, et deviendront aveugles à ce
sujet !
V 8 : Après la honte, Adam et Eve font face
à un nouveau sentiment inconnu jusqu’alors : la peur. Le Dieu même qui les
a créés, qui leur a donné tant de preuves de Son amour, qui jusque là se plaisait
à se trouver en leur compagnie, ce Dieu à qui ils doivent tant devient tout à
coup pour eux une menace et un sujet de crainte. Pourtant, Dieu n’a pas changé.
Ce qui a changé par contre ce sont les dispositions du cœur d’Adam et Eve à Son
égard. La peur de Dieu est motivée par la même raison qui provoqua le sentiment
de honte qui s’empara d’Adam et Eve suite à leur désobéissance. Adam et Eve
n’ont pas envie d’être vus tels qu’ils sont par Dieu. Ils tentent donc, vaine
initiative, de se cacher pour échapper à Son regard, à un face à face avec Lui.
Nous pouvons être sûrs que chaque fois que nous fuyons quelqu’un que nous
savons nous être propices, cela n’est dû qu’à une seule chose : le péché
qui se trouve en nous.
V 9 : c’est à Adam, le chef de
famille et de la création, que Dieu s’adresse en premier. Alors que Dieu agit
envers le couple que forme Adam et Eve en vérité, c’est-à-dire en accord avec
le réel qui place Adam en position de responsabilité, la première ruse du
diable aura été de transgresser cet ordre. Quand Jésus dit que la tromperie et
le mensonge sont le fonds du diable : Jean 8,44,
la preuve nous en est donnée dans ce chapitre. Satan ne respecte aucune vérité,
aucun cadre, aucune disposition voulus par Dieu. Il est le transgresseur par
excellence.
La première parole de Dieu après la chute se présente à
l’homme sous la forme d’une question : Où es-tu ? C’est la question
que Dieu pose à chacun encore aujourd’hui. Où te trouves-tu ? Comment se
fait-il que tu es là où tu es, dans l’état dans lequel tu es ? La question
peut aussi vouloir dire : D’habitude, Adam, lorsque je viens, tu es
là ! Tu accours même vers Moi ! Comment se fait-il que ce ne soit pas
le cas aujourd’hui ? Qu’y a-t-il, que s’est-il passé pour que notre rencontre
si heureuse, ne se produise pas comme d’habitude ? Dieu sait bien
évidemment ce qui s’est passé. Mais le but de la question est aussi d’aider
l’homme à sortir de sa retraite, à dépasser sa crainte et à faire un premier
pas vers Dieu en lui avouant sa faute. C’est ce qui va se passer.
V 10 : Dans sa réponse à Dieu, Adam se garde
d’aller au fond des choses. Puisque Dieu l’interroge, le poursuit de Sa
présence, il ne peut faire autrement que répondre. Adam donne les raisons
émotionnelles et psychologiques qui expliquent son comportement fuyard à
l’égard de Dieu, mais jusque là il ne dit mot sur ce qui en est la cause. C’est
souvent de cette manière que réagit le pécheur interrogé sur son péché. Il nous
parle du mal-être qui est le sien, de la gêne que sa situation lui occasionne
sur le plan relationnel, avec Dieu, puis avec les autres. Mais il ne dit pas
les mots que Dieu voudrait entendre, les mots qui le libéreraient de la
mauvaise conscience qui le tenaille.
Nous ne devons pas nous attendre dans la cure d’âme à ce que,
spontanément, le pécheur confesse son péché. Il nous faudra lui poser des
questions, le traquer dans ses cachettes, le corriger dans ses essais de
justification pour le conduire enfin à reconnaître la vérité. Nous devons nous
rappeler à ce sujet que se satisfaire de moins, c’est passer à côté du but même
de l’accompagnement. Ce but est que le pécheur soit restauré dans sa relation
avec Dieu. Or, cette restauration ne peut se faire que par la vérité. Les
réponses successives d’Adam prouvent qu’il n’y a rien pour lequel le pécheur
soit le moins disposé que ceci.
V 11 : la pédagogie de Dieu est de reprendre
au vol ce qu’Adam est prêt à dire et à lâcher pour le pousser plus loin dans
ses retranchements et arriver par le procédé du questionnement au cœur du
problème. Car, qu’il le veuille ou pas, le pécheur, sauf s’il se tait, ne
pourra empêcher que son péché se dévoile. Si Adam a honte d’être nu, cela ne
peut être dû qu’à une seule chose. Dieu le sait ! C’est pourquoi, il se
saisit de la porte qu’Adam entrouvre pour poser la question qui soulève la
raison, la cause du malaise qu’évoque Adam : Aurais-tu mangé de l’arbre
dont je t’avais défendu de manger ? Il nous faut apprendre, dans ce que
notre frère ou notre sœur nous consentent à dire à propos de leur situation de péché,
à saisir les cordes qu’ils nous lancent pour aller plus loin. Quand quelqu’un
nous dit : « Je ne peux plus côtoyer ce frère sans éprouver de la
rancœur envers lui ! » ou « Je ne supporte pas qu’on me reprenne !»,
il y a là un diagnostic à faire et une perche tendue pour remonter à l’origine
du problème. Il ne nous faut pas donner les réponses à la place de notre frère,
mais lui donner l’occasion de la formuler lui-même.
V 12 : A la question de Dieu, Adam répond
juste. Mais la justesse même de sa réponse le condamne. En mettant la
responsabilité principale de sa désobéissance sur Eve et en se présentant comme
un acteur passif, quasi une victime, il témoigne qu’il a triplement péché.
Premièrement, il n’a pas rempli sa mission de chef de famille, celui à qui Dieu
a confié la mission de veiller et de garder le jardin : Genèse 2,16. Ensuite, il témoigne du fait qu’entre
obéir à Dieu et donner suite à l’invitation de sa femme à Lui désobéir, c’est
la seconde proposition qu’il a retenue. Il confesse enfin qu’il a péché en
toute connaissance de cause. Adam n’était pas dupe de l’interdit que Dieu lui
avait donné. Malgré le fait que ce soit par Eve qu’il soit tombé, il l’a choisi
volontairement.
A la question posée par Dieu, Adam en arrive même à mettre
Dieu en cause. Puisque c’est Dieu qui lui a donné Eve, Dieu porte lui aussi en
quelque sorte une part de responsabilité dans ce qui est arrivé. Les coupables
sont donc, dans l’ordre : Eve, Dieu, puis Adam, pauvre victime.
Combien même dans la confession de la vérité, le cœur du pécheur
s’avère fourbe. Si la vérité doit être dire, qu’elle le soit du bout des lèvres !
Que la part qui me revienne dans la responsabilité de mon péché soit la moindre
et que celle de celui qui m’y a entraîné soit la plus mise en évidence !
Oui, c’est sans exagération que le prophète Jérémie dit : Le cœur est
tortueux par-dessus tout, et il est méchant : Qui peut le connaître ? :
Jérémie 17,9. Dieu le connait ; Il ne se
satisfait jamais des demi-vérités, ce que démontre la suite du récit !
V 13 : Eve ayant été désignée par Adam comme
la principale responsable de sa désobéissance, c’est vers elle que Dieu se
tourne maintenant pour l’interroger. Pour se faire, il use du même procédé que
celui utilisé pour Adam : le questionnement. La question de Dieu est
directe et touche aux motivations qui ont poussé Eve à braver l’interdit de
Dieu pourtant clairement énoncé ! Comme ce fut le cas pour Adam, Eve élude
sa propre responsabilité dans l’affaire pour la reporter entièrement sur la ruse
du serpent. Dans un certain sens, elle n’a pas tort : le serpent l’a bel
et bien trompée. Il a fait miroiter à son cœur des mirages qui n’étaient que
des illusions. Mais si Eve s’est fait berner, c’est qu’elle a cru à ces
mensonges. Elle a adhéré à leur contenu qui consistait à faire Dieu menteur.
Elle est entrée dans l’idée que Dieu ne voulait pas le meilleur pour elle et
qu’il y avait quelque part autre chose qui pouvait faire d’elle quelqu’un de
plus grand que ce que Dieu avait fait d’elle. Elle s’est faite à l’idée qu’il
n’était pas mauvais de désobéir à Dieu et de lui être rebelle. Elle a préféré
croire à la parole du serpent, dont elle n’avait aucune preuve de la pureté des
intentions, plutôt qu’à celle de Dieu qu’elle connaissait et qui lui avait
donné mille preuves de Sa bienveillance. Puis elle a entraîné son mari dans
cette voie.
Après les questions, vient l’heure du verdict de Dieu sur
chacun en fonction de ses responsabilités. Remontant le fil de l’histoire selon
les accusations portées par chacun en ce qui concerne sa part de
responsabilité, c’est au serpent que Dieu s’adresse en premier :
V 14 et 15 : la première sanction
touche au serpent en tant qu’animal et instrument du diable. Alors que le
serpent se déplaçait jusque là sur des pattes, il se déplacera désormais, dit
la sentence de Dieu, sur le ventre, afin qu’il morde la poussière tous les
jours de sa vie. Comment comprendre un tel jugement sur un animal qui ne fut
que le jouet de Satan ? Puisque Satan a voulu utiliser le serpent, le plus
rusé de tous les animaux des champs, comme outil de séduction, c’est par le
sort réservé au serpent que Dieu va lui faire connaître le jugement qui
l’attend. Satan, l’ange de lumière, ne va plus être l’être glorieux qu’il a été
jusque-là. Dieu va le dégrader. Il va connaître un état d’abaissement et
d’abjection tel qu’il va être mis au rang des plus viles créatures : Michée 7,17 ; Psaume 72,9. Une telle humiliation
n’est pas unique dans l’Ecriture. Elle est un principe qui s’applique à tous
ceux qui s’élèvent contre Dieu au-delà de ce qui est acceptable au vu de Sa
gloire : ex : Nabuchodonosor : Daniel
4,30 ; le roi de Babylone : Esaïe
14,16 à 19.
La sanction émise contre le serpent suit dans son second
article la même logique que pour le premier. Les outils que Satan a utilisé
pour séduire et corrompre seront ceux que Dieu va employer pour lui signifier
le jugement qui l’attend. Puisque c’est par la femme que Satan a fait chuter
l’humanité, c’est par sa descendance qu’il sera vaincu et écrasé. Nous avons
ici en germe la première prophétie sur Jésus, né uniquement d’une femme : Esaïe 7,14 ; Galates 4,14. Ce n’est pas seulement
Christ, mais toute l’Eglise issue de Lui, qui participera à Sa victoire qui
consiste ultimement à l’écrasement de la tête du serpent ancien : Romains 16,20.
V 16 : le jugement qui atteint la femme la
touche dans ce qui est sa double vocation de mère et d’épouse. En tant que
mère, ce sera avec une douleur plus grande qu’elle enfantera. Cette
augmentation de douleur ne sera pas de la part de Dieu le fait d’une volonté de
la faire souffrir pour la punir, mais la conséquence de la corruption que va
entraîner le péché dans le corps. Sans le péché, le corps de la femme aurait
connu une certaine souffrance pour l’accouchement, mais le péché aura pour
effet inévitable de l’amplifier. Le péché n’a pas atteint que l’être intérieur
d’Adam et Eve. Il a aussi touché les capacités, la santé de l’être extérieur.
Le fait d’avoir été l’outil par lequel le diable a fait chuter son mari va
aussi entraîner chez Eve des répercussions sur la façon avec laquelle elle va vivre
son statut d’épouse. Les désirs de la femme la porteront toujours vers son
mari. Elle souhaitera toujours trouver en lui sa sécurité, une affection. Mais
le péché va changer le rapport du mari avec elle. Parce qu’il aura vécu le
piège que la femme a été pour lui, le mari va établir avec elle un rapport
marqué davantage par la domination que la confiance et la réciprocité. Le désir
de l’homme de garder la main haute sur la femme peut être perçu, dans
l’humanité, comme un écho, une réminiscence de la chute dont Eve a été l’outil
pour lui.
V 17 à 19 : c’est à l’homme, à qui
Dieu avait spécifiquement donné l’ordre explicite de ne pas manger du fruit de
l’arbre interdit, que l’Eternel réserve la liste la plus longue des
malédictions conséquentes à sa désobéissance. La flèche de la malédiction qui
va affecter l’homme a pour objet une cible unique : son environnement.
Alors que, jusque-là, le travail de l’homme dans le jardin était une source de
joie, c’est avec peine qu’il sera fait désormais. La nature qui lui était
propice va se retourner contre lui en faisant pousser au milieu des bonnes
plantes, des chardons, des ronces et des épines. Bien que la terre continue à
produire de quoi pourvoir aux besoins de l’homme, son travail dans ce monde ne
sera jamais aisé et totalement satisfaisant. Il aura toujours à se battre
contre des éléments nuisibles et invasifs qui rendront son travail pénible. A
la fin se produira pour l’homme ce que Dieu voulait lui éviter et ce contre
quoi Il voulait le prévenir : la mort. Sorti de la poussière, Adam y
retournera. Au lieu de passer de la terre à la gloire, tous les humains devront
faire un crochet par la tombe et le séjour des morts.
V 20 : Eve, le nom qu’Adam donna à sa femme,
est le témoignage que, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire
aujourd’hui, l’humanité entière est issue d’un seul couple : cf Romains 5,12. Affirmer cette vérité n’est pas sans
importance théologique. Toute la doctrine de la rédemption repose sur l’idée
que la race humaine entière, parce qu’elle provient d’Adam, est solidaire avec
lui dans la rupture qui s’est créée entre lui et Dieu dès l’origine. Le récit
de la genèse ne peut être lu comme une fable. Il est le récit fondamental de
l’explication de l’état actuel de l’humanité et celui à partir duquel se révèle
la nécessité de la venue de Christ, second Adam. Oui, Eve est bien la mère de
tous les vivants, notre mère à tous. Nous sommes les héritiers de la faute
qu’elle a commise, mais nous avons aussi part à la promesse du rachat que Dieu
a formulé à son sujet. Ne pas reconnaître en Eve la mère de la race humaine,
c’est rendre impossible le fait de se revendiquer, en tant que fils d’Eve, de
la promesse que Dieu lui a faite d’une descendance qui écraserait la tête du
serpent : v 15. La cohésion du message du
salut de l’humanité en Christ repose sur le présupposé selon lequel nous sommes
tous issus d’un seul et que nous devons notre état spirituel et moral à
l’histoire qui s’est produite avec ce seul. C’est parce que l’origine du mal
qui affecte l’humanité est unique et provient d’une source unique que son salut
est aussi unique pour tous.
V 21 : Le premier acte salvateur de Dieu
pour Adam et Eve se trouve ici. Il est si significatif qu’il est le prototype
illustratif parfait du salut à venir en Christ. Alors qu’Adam et Eve avaient
essayé de couvrir leur nudité en cousant des feuilles de figuier pour s’en
faire des pagnes, Dieu les dévêt de leur bricolage pour les revêtir d’habits de
peau d’un animal qu’Il dut sacrifier dans ce but. C’est toujours de la même
façon que Dieu opère. Naturellement, l’homme ne supporte pas la vue de son
péché qui provoque toujours les mêmes réactions en lui : honte, peur de
Dieu… Aussi fait-il ce qu’il peut avec ce qu’il a pour tenter de cacher ce
qu’il est ou de couvrir son péché. Pour certains, il s’agit de tenter de
montrer belle figure après s’être révélé exécrable aux yeux de son prochain.
Pour d’autres, il s’agit de se racheter en essayant de faire le bien pour
couvrir le mal qui leur colle à la peau. Dieu n’a que faire de ses tentatives
qui, toutes, ont leur racine dans l’orgueil. Le salut de Dieu pour l’homme ne
peut venir de lui. Il ne peut être que le fruit de l’initiative de Dieu. Le
péché de l’homme est si grave qu’il ne peut être couvert sans être expié. Or,
le salaire du péché n’est pas moins que la mort : Genèse
2,17 ; Romains 6,23. Il faut donc, pour que l’homme vive et soit
présentable à Dieu, mais aussi face aux autres, qu’une victime innocente
endosse la sanction du péché et que, par elle, la faute de l’homme soit
couverte et celui-ci justifié. C’est ce qui s’est produit ici avec cette peau
de bête que Dieu donne à Adam et Eve pour habits. Pour la recevoir, ceux-ci ne
purent faire autrement que de renoncer à leurs feuilles de figuier qui ne
pouvaient répondre au sens de la justice divine. L’animal qui a laissé sa peau
pour couvrir nos premiers parents nous parle de Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu
qui ôte le péché du monde : Jean 1,29.
C’est par lui que nous sommes justifiés de ce dont nous ne le pouvions par nos
propres efforts, fussent-ils ceux de plaire à Dieu en obéissant à Sa loi :
Romains 3,28. Le salut ne se gagne pas. Il ne
s’obtient pas par le concours de l’homme. Il ne peut que se recevoir. Il est
tout entier le fruit de la grâce de Dieu. Toute autre conception du salut de
l’humanité n’est que le fruit de l’orgueil et du relativisme humain face à la
gravité de ses actes au regard de la justice divine.
V 22 à 24 : bien que les mesures
prises par Dieu envers Adam et Eve revêtent la forme d’un châtiment, elles ne
sont pas que punitives. Toutes comportent un aspect salvateur pour eux. La
souffrance, le travail difficile ont pour objet d’éveiller dans l’humanité la nostalgie
du monde parfait qu’elle a connu à son début. L’impuissance dans laquelle l’homme
se trouve face au mal, la culpabilité et la honte qu’il ressent lorsqu’il le
commet, le préparent à recevoir le salut gratuit de Dieu par la foi. Ainsi, dans ce que Dieu fait, même quand il punit, il
y a toujours chez lui une volonté de salut plus forte que la réprobation.
C’est aussi le cas avec la dernière mesure que Dieu prend ici.
Le constat de Dieu sur l’humanité dans son nouvel s’impose. L’homme n’est plus,
comme il l’était auparavant, dans l’état d’innocence et de dépendance totale de
Dieu pour ce qui concerne le bien et le mal. Il est devenu, selon la promesse
même du serpent à Eve : 3,5, semblable à
Dieu, un être autonome. Le pire pour l’humanité n’est pas cet état dans lequel
elle se trouve dans le présent. Il serait que, goûtant à l’arbre de vie qui se
situe lui aussi au milieu du jardin : 2,9, Adam
et Eve bénéficient de la capacité de vivre éternellement dans cet état. Il n’y
aurait plus alors d’autre possibilité pour la race humaine que l’état de
pécheur pour toujours. La décision de Dieu est prise. Pour sauver l’homme, il n’y
a d’autre solution que de l’exclure, l’expulser hors du jardin d’Eden. Sur le
plan immédiat, Adam et Eve vont vivre de manière pratique la tragédie à
laquelle les a conduits leur désobéissance à Dieu. Mais à plus long terme,
cette mesure était nécessaire à leur salut. Dans cette attente, c’est l’épée du
jugement qui se tient entre l’humanité et l’accès à l’arbre de vie. C’est cette
épée qui frappera le Fils de Dieu pour qu’elle n’aie jamais à nous frapper !
Nota : lorsqu’Il se parle à Lui-même, Dieu utilise, dès
le début de la genèse le pronom « nous » : Genèse 1,26 ; 3,22. Il y a ici un témoignage
simple, mais suffisamment clair, du fait que Dieu n’est pas un Dieu singulier,
mais pluriel. Cette révélation embryonnaire de l’identité de Dieu connaîtra son
plein développement pour aboutir à la révélation du Dieu Trine : Père,
Fils et Saint-Esprit : Matthieu 28,19.