V 1 à 6 : Hagar enceinte d’Abram
Dix ans se sont écoulés depuis qu’Abram soit entré à Canaan.
Dix ans pendant lesquels les corps ont vieilli (Abram a environ 85 ans) et la
promesse de Dieu donnée à Abram d’avoir un fils par Saraï ne s’est pas
réalisée. Celle-ci, avec la logique qui est la sienne, se rend à l’évidence. Le
miracle de Dieu pour elle n’a pas eu lieu. Dieu n’a pas levé sa stérilité.
Aussi échafaude-t-elle dans sa tête une solution qui, si elle nous paraît
choquante, ne l’est pas dans les traditions de l’époque. Elle propose à Abram
qu’Hagar, sa servante, soit en quelque sorte la mère porteuse du couple. « Cette pratique est une coutume
ancienne destinée à assurer une descendance mâle à une famille. Elle est
attestée dans les contrats de mariage de l’Assyrie ancienne, le code
d’Hammourabi, et les tablettes de Nouzi : note bile NBS). »
Si Dieu est à l’origine d’une œuvre, c’est aussi par Lui et
pour Lui que celle-ci doit s’accomplir. En général, le fait que ce soit Dieu
qui soit à l’origine de Son œuvre ne pose problème à personne. Nous le savons
et nous le voyons. La chose se complique cependant souvent quand il s’agit de
faire vivre l’œuvre que Dieu a initiée par Dieu et pour Dieu. Lorsque l’œuvre
n’avance pas comme nous l’aimerions, il nous est facile de nous laisser tenter
à donner à Dieu un coup de pouce. Le diable n’a en effet que peu de moyen, pour
ainsi dire aucun, pour empêcher Dieu d’initier une œuvre. Il a, par contre,
tout un arsenal de moyens pour faire que ceux à qui Dieu confie Son œuvre la
fasse avec la force et les moyens de la chair. C’est ce qui arrive ici. C’est
aussi ce qu’il a proposé à Jésus dans le désert : Luc
4,1 à 12. Le Seigneur s’y refusera. Il s’en tiendra uniquement à ce que
Dieu a dit. Ce que Dieu dit, Il le tient. Ce qu’Il ordonne, Il l’accomplit.
Ni Saraï, ni Abram n’en sont là dans leur foi. Après dix ans
d’attente, il leur semble qu’ils ont assez patienté. Puisque Dieu ne change pas
l’état des choses, ils vont s’employer à le changer eux-mêmes. Puisque la
coutume leur donne un moyen, pourquoi ne pas le prendre ? Dans leur
impatience, Abram et Saraï ne comprennent pas la pédagogie de Dieu. Les délais
de Dieu ne sont jamais des retards. Ils sont l’occasion de manifester que,
lorsque Dieu initie une œuvre, il veut aussi que, de manière évidente, chacun
voit que c’est par Lui seul que cette œuvre doit se réaliser. Abram et Saraï
devront attendre, non dix ans supplémentaires pour voir la promesse de Dieu
s’accomplir, mais 13 ans.
Comme il en est chaque fois que c’est par nous-mêmes que nous
agissons, l’initiative prise par Saraï tourne mal, se retourne même contre eux.
Alors qu’en Egypte, c’est Abram qui pousse Saraï à la faute et qui en fait les
frais, ici c’est Saraï qui gagne Abram à son idée. Mais c’est aussi elle qui va
en souffrir le plus par la suite. Ne jetons cependant pas la pierre qu’à elle
seule. On comprend que ce soit Saraï qui fasse la proposition à Abram, car
l’inverse aurait été indécent. Mais la facilité avec laquelle elle gagne
l’accord d’Abram en dit long sur son état d’esprit du moment. Si Abram avait
été animé d’une foi fervente en Dieu, il aurait protesté. Mais en lui la cause
que défend Saraï est gagnée d’avance, ce qui signifie que, très certainement,
en son for intérieur, il avait déjà cogité sur une telle solution.
La proposition de Saraï est mise à exécution… avec succès.
Alors qu’après tant d’années, Saraï reste stérile, Hagar se retrouve immédiatement
enceinte. Ce n’est pas rare que les moyens de la chair produisent, ou semble
produire, des résultats plus rapides que ceux de l’Esprit. Mais les fruits
qu’ils donnent portent en eux la marque de l’énergie dont ils proviennent. Saraï
s’étant, en quelque sorte, mise de côté pour réaliser la promesse de Dieu,
c’est sa servante Hagar qui se retrouve au centre du jeu. Ce qu’elle n’a pas
réussi, ce que Dieu ne lui a pas donné, Il lui a donné à elle. Il n’est pas
étonnant que la réussite dont elle est l’objet lui monte à la tête aux dépens
de sa maîtresse.
La leçon que nous apprenons ici est que, lorsqu’une chose ne
se fait pas par Dieu, il est impossible qu’elle se vive à la gloire de Dieu. Ce
qui est commencé par la chair ne peut se poursuivre autrement que par la chair.
Ainsi, après le mépris que doit subir Saraï de la part de sa servante, c’est
elle, la servante, qui doit souffrir entre les mains de sa maîtresse, blessée
dans sa dignité. Que de blessures, d’incompréhensions ne naissent-ils pas
lorsque nous essayons par nous-mêmes de faire l’œuvre de Dieu ! Personne
ne sort indemne de l’histoire. Abram voit sa femme et sa servante se disputer
et se jalouser. Saraï, qui porte déjà en elle la honte de la stérilité, doit de
plus subir le mépris de sa servante. Et Hagar, qui a la fierté de porter le
fils du chef, doit souffrir désormais de l’hostilité de sa femme.
Retenons aussi le fait que, la faute commise, elle ne pourra
plus être récupérable. Le fils d’Hagar va naître et il sera une source de
difficulté telle dans l’avenir qu’une nouvelle séparation sera nécessaire. Au
lieu d’une descendance prévue par Dieu, ce sont deux qui vont naître d’Abram
(et même plus par la suite). Pour autant, l’Ecriture ne retient pas contre
Abram dans cette histoire le péché d’adultère. Sa démarche était d’une certaine
façon spirituelle, même si les moyens utilisés ne l’étaient pas : Malachie 2,14-15. Que nous puissions pour nous-mêmes
apprendre la leçon ! C’est de Dieu que vient l’œuvre dans laquelle Il nous
engage. Mais c’est aussi par Dieu que cette œuvre doit se réaliser de manière à
ce que ce soit pour Lui, pour Sa gloire qu’elle s’accomplisse !
V 6 à 16 : fuite d’Hagar et naissance
d’Ismaël
Ne supportant plus d’être maltraitée par sa maîtresse, Hagar
prit le parti de s’enfuir dans le désert avec son fils. Si le comportement de
Saraï dans cette histoire est regrettable, celui d’Abram ne l’est pas moins.
N’était-il pas aussi, en tant que chef de famille, responsable de ce qui
s’était passé ? Etait-il juste de sa part, en voyant l’animosité grandir
entre les deux femmes, de donner à Saraï un blanc-seing pour traiter sa
servante comme elle l’entendait ? Certes, celle-ci avait tort de mépriser
sa maîtresse. Mais Hagar était d’une certaine façon maintenant plus qu’une
servante. Elle était la mère porteuse de son fils, avec son accord et sur l’initiative
de Saraï. Il n’était pas juste de sa part de la maltraiter comme elle le
faisait.
Comme il en est à chaque fois qu’Abram n’est pas à la hauteur,
c’est à Dieu seul que revient le fait que toute cette histoire ne tourne à la
catastrophe. Comme il le fit pour Adam qui s’enfuyait de Sa présence après
avoir péché : Genèse 3,8, Dieu Lui-même,
par Son ange, vint à la rencontre de Hagar dans le désert. De la même manière,
il s’approcha d’elle, non en la reprenant, mais en l’interrogeant. En demandant
à Hagar d’où elle venait et où elle allait, il est évident que Dieu ne la
questionnait pas par ignorance. Dieu connaissait la réponse aux questions qu’Il
lui posait. Dieu voulait, comme ce fut le cas pour Adam, qu’Hagar exprime
elle-même les raisons pour lesquelles elle se trouvait là. Il voulait que ce
soit elle, par sa bouche, qui formule ce qu’elle avait dans le cœur, la
souffrance qui faisait qu’elle se retrouvait seule dans ce lieu.
Hagar ne cacha rien à Dieu sur la motivation qui fit qu’elle
se trouvait là : elle fuyait pour échapper à sa maîtresse. En revanche,
elle ne dit rien sur les causes exactes de cette situation, et la
responsabilité qui était la sienne dans l’affaire. En cela, elle ressemble
aussi à Adam qui, pour se justifier, mit tout le poids de sa fuite de Dieu sur
Eve. La réponse de Dieu à Hagar fut double. La première est qu’Il lui ordonna
de retourner chez Saraï, même si celle-ci ne change pas d’attitude envers elle.
La place d’Hagar était d’être dans la maison d’Abram, cela d’autant plus qu’elle
portait son fils dans son sein. La seconde réponse, qui devait l’aider à
supporter la première, vint de la bouche du messager de Dieu, sous la forme d’une
promesse prophétique. Dieu donna d’abord à Hagar la révélation du nom du fils
qu’elle portait : Ismaël qui signifie « Dieu entend ». Puis Il
lui donne la vision de ce que sera ce fils pour ses frères dans l’avenir :
un âne sauvage, indomptable, qui sera seul contre tous et qui verra tous ses
frères se lever contre lui. Les siècles qui suivront démontreront, jusqu’à
aujourd’hui, la véracité de la vision de Dieu sur Ismaël et ses descendants
(les Arabes).
Apprenons ici de la pédagogie de Dieu pour contraindre Hagar à
faire ce qu’Il attend d’elle. Hagar, par sa naissance, n’est pas du sang de la
tribu d’Abram. Elle est un élément étranger, importé, suite sans doute à l’incrédulité
d’Abram qui le fit descendre en Egypte. Dieu ne manifeste cependant à Son égard
aucune dureté. Il vint à sa rencontre dans sa souffrance, comme le fera Jésus
plus tard avec la samaritaine (Jean 4).
Puis Dieu lui parle personnellement. Comme il en est de la samaritaine
également, Dieu ne la juge pas. Certes, il met le doigt sur l’attitude qui ne
convient pas chez Hagar, mais Il le fait pour lui donner ensuite de l’espoir.
Dieu considère que, dans cette histoire, Hagar est d’abord victime avant d’être
coupable. Il tient donc à la rassurer. Sa situation n’est pas perdue. Dieu peut
lui donner un avenir là où elle n’en voit plus, même si cet avenir ne sera pas
tout rose et que certaines souffrances continueront.
Ce qu’Hagar entend de Dieu produit l’effet escompté. Hagar
reprend confiance. Elle trouve dans les paroles et la révélation de Dieu les
ingrédients dont elle a besoin pour relever la tête. Elle ne se trouve plus
dans une impasse. Une perspective nouvelle s’est ouverte à elle. Elle sait que
le Dieu d’Abram n’est pas un simple concept, une idole muette. C’est un Dieu
vivant qui parle, qui entend et qui voit. Avec la connaissance qu’elle a
désormais de ce Dieu, elle se sent en mesure de tout affronter. Nul doute que,
à partir de ce jour, l’attitude d’Hagar à l’égard de sa maîtresse aura changé.
La suite du récit ne mentionne en effet rien qui, dans son comportement, ne
ressemble à ce qu’elle faisait précédemment.
La grossesse d’Hagar ira à son terme. Abram donnera à son fils
le nom que Dieu avait révélé à Hagar, selon le témoignage qu’elle lui aura rendu
de sa rencontre avec Dieu. Abram avait 86 ans à la naissance d’Ismaël. Pour lui
comme pour Saraï sans doute, la promesse de Dieu était accomplie. Il n’y avait
pas eu de miracle, mais juste une procédure humaine comme il s’en faisait sans
doute des dizaines autour d’eux ! Abram et Saraï, par impatience, s’étaient
fourvoyés. Dieu leur révélera plus tard que Ses voies n’ont rien à voir avec
les leurs. Ce que la Parole de Dieu promet, elle l’accomplit. Il n’y a rien à y
ajouter ou à en retrancher. Que la leçon qu’apprendront Abram et Saraï dans
cette affaire nous serve aussi de précepte et d’enseignement dans nos voies !
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