V 1 à 7 : le
cadre juridique de la nouvelle humanité
Sorti de l’arche, Noé se voit
confier par Dieu le même mandat qu’Il donna à Adam au moment où Il le créa.
Dieu ordonne à Noé d’être fécond, de se multiplier et de remplir la
terre : cf Genèse 1,28. Si les deux
premiers aspects du mandat de Dieu à Noé vont être remplis, nous verrons que,
rapidement, les descendants de Noé vont aller dans le sens inverse du 3ème.
A la volonté de dispersion énoncée par Dieu, ils vont opposer une force de
résistance qui va les conduire, comme Caïn, à se concentrer dans un seul même
lieu pour y construire une ville : Genèse 11,4.
Comme il en fut pour Adam, Dieu
précise à Noé quelles seront les règles qui auront cours dans la relation que
la nouvelle humanité devra avoir le reste de la création physique. Des
changements importants ont lieu :
-
L’homme ne va plus seulement dominer les animaux,
mais il va être une source de crainte et de terreur pour eux. Ayant, de par
Dieu, toute latitude d’en disposer, c’est de l’homme que désormais va dépendre
la vie de tout animal. Selon Thiersch, la mesure donnée ici par Dieu s’explique
par les changements climatiques survenus suite au déluge. « L’air était devenu plus froid et plus rude, comme après un grand
orage ; la terre, dévastée par les eaux, était plus malaisée à cultiver.
Les végétaux et le lait suffisent comme aliments dans les climats
chauds… »
-
La nourriture de l’homme ne sera plus désormais
faite exclusivement de végétaux. L’homme pourra élever des animaux dans le but
de se nourrir de leur chair. La seule restriction imposée est que le sang des
animaux consommés soit auparavant vidé. La mesure énoncée ici par Dieu a pour
premier but de légiférer sur le caractère sacré de la vie. Elle est aussi une
mesure de prévention contre une certaine pratique idolâtre future consistant à
croire qu’en absorbant le sang des animaux (ou même des hommes) on bénéficie de
la puissance de vie qui s’y trouve : Lévitique
17,10-11.
-
Un cadre juridique précis est posé pour endiguer
le mal et autoriser l’exercice de la justice humaine pour punir les crimes. La
peine de mort est ainsi requise contre tout animal ou tout être humain qui
viendrait à verser le sang d’un autre être humain. Aucune circonstance
atténuante n’est ici retenue. Par cette mesure, Dieu établit la légitimité de
la justice humaine qui a pour objet premier d’être l’épée de Dieu pour exercer
Sa vengeance et Sa réprobation envers les délits humains : Romains 13,1 à 5. La sévérité de la mesure prescrite
contre les crimes de sang se justifie par une raison : l’homme créé est
porteur de l’image de Dieu. Il y a, malgré le péché, une dignité propre à
l’homme qui fait que sa mort a bien plus de valeur que celle de l’animal. La vie
de l’homme est sacrée parce qu’il porte en lui quelque chose qu’aucune autre
créature ne possède : l’image de Dieu.
V 8 à 17 : l’alliance de Dieu avec
Noé
Noé à peine sorti de l’arche, nous avons vu que Dieu, suite
aux holocaustes que le patriarche lui avait offerts, s’était engagé à ne plus
maudire la terre et frapper les êtres qu’elle portait comme Il l’avait fait par
le déluge : Genèse 8,21-22. L’humanité
étant dans un nouveau départ, Dieu tient à assurer celle-ci que la parole qu’Il
lui a dite est certaine. Aussi Dieu la scelle-t-Il ici de manière contractuelle
par une alliance. C’est la seconde fois ici que le terme est employé dans
l’Ecriture, la première étant l’annonce à Noé de celle-ci avant que le déluge
ne se produise : Genèse 6,18.
De quelle nature est l’alliance que Dieu scelle ici avec
Noé ? Quels en sont les termes ? L’alliance que Dieu scelle avec Noé
est inconditionnelle et unilatérale. Elle ne dépend en rien d’une qualité
quelconque dont l’humanité nouvelle devrait faire preuve pour perdurer.
L’humanité ayant péri une fois par les eaux du déluge, Dieu promet de ne plus
jamais rééditer une telle catastrophe. Des inondations locales pourront encore
survenir, comme nous le voyons. Mais jamais un tel fléau ne mettra l’avenir ou
la pérennité de l’humanité en question. Tant que la terre subsistera, Dieu ne
cherchera plus à effacer la vie qu’elle porte à cause des crimes et des
méchancetés qui s’y commettent.
En guise de témoignage de l’engagement contractuel qu’Il prend
à l’égard de l’humanité, Dieu lui donne un signe qui sera pour Lui et pour elle
le rappel de Sa promesse. Dieu va placer Son arc dans la nue. Quand Dieu aura
rassemblé des nuages dans le ciel (preuve ici que c’est Lui qui, chaque jour,
fait la météo), l’arc apparaîtra et rappellera à Dieu et aux hommes les termes
du contrat d’alliance par lesquels Il s’est engagé envers eux. Cet arc, image
de la grâce, nous le retrouvons dans la Parole de Dieu dans la vision que reçut
Jean du trône de Dieu : Apocalypse 4,3.
Ainsi, ce n’est pas seulement lorsqu’il pleut que l’arc est présent devant
Dieu. L’arc-en-ciel que nous voyons nous sert ici davantage qu’à Lui. Mais
c’est de façon permanente que se trouve devant Dieu le rappel des promesses de
grâce par lesquelles Il s’est engagé envers l’humanité du temps de Noé. « L’arc-en-ciel est le mémorial de la
bonté divine qui nous convie à la repentance et atteste qu’après le jugement le
Seigneur fait briller de nouveau le soleil de Sa grâce : Thiersch.
V 18 à 28 : le péché de Noé et de
Cham
Malgré le portrait élogieux qui est fait de Noé dans l’Ecriture,
celle-ci ne tait point le moment d’égarement qu’il connut après sa sortie de l’arche.
Ayant planté une vigne sur la nouvelle terre où il vivait, Noé but de son vin jusqu’à
l’ivresse. Comme il en est dans ce cas, Noé se conduisit de manière insensée et
inconsidérée. C’est ainsi que Cham, l’un de ses fils, le retrouva nu dans sa
tente. L’Ecriture nous parle ensuite de la réaction mauvaise qu’eut Cham à la
vue de son père dans cet état. Mais le fait suffit pour nous montrer l’un des
effets les plus pervers de l’alcool. Sous l’emprise de l’alcool, l’homme perd
sa dignité et sa pudeur. Il franchit sans que rien ne l’arrête toutes les
barrières morales qui, dans son psychisme, sont là pour l’inhiber et préserver
le respect dans les relations sociales. Un slogan publicitaire dit avec raison :
« Regarde-toi quand tu as bu ! »
Personne, en effet, ne fait les mêmes choses lorsqu’il est sobre et lorsqu’il
est ivre. Rien peut-être n’est apte à susciter davantage le mépris que le
comportement d’un homme sous l’emprise du vin.
« Ce
fait renferme une grave leçon. Qu’on songe à l’âge, à l’expérience, à la
sagesse, aux œuvres, à la fidélité d’un Noé ! Il tombe cependant. Qui de
nous oserait se croire à l’abri des péchés grossiers ? la foi de Noé avait
traversé victorieusement les plus rudes épreuves ; les jours de paix qui
suivent le déluge lui sont plus funestes que toutes ses afflictions
précédentes. L’âge ne l’empêche pas de s’égarer. Les grâces mêmes qu’il a
reçues autrefois ne l’en préservent pas. Il n’en est pas de la grâce de Dieu
comme des biens matériels. On gagne et on amasse des biens dans les années de
sa force ; puis, quand vient l’âge, on se repose et l’on vit de ce que l’on
a acquis. Il en est autrement dans la vie spirituelle. C’est jusqu’au terme de
l’épreuve, c’est-à-dire, de notre existence terrestre, qu’il faut travailler,
et lutter, veiller et prier. Travailler d’avance, pour se reposer après,
veiller d’abord, puis dormir, n’est pas possible. Il ne faut jamais dormir,
jamais tomber dans l’inaction spirituelle, dans l’inertie ou la rêverie. « Que
celui qui croit être debout, prenne garde de tomber : 1 Corinthiens 10,12. »
C’est
précisément lorsqu’on a reçu de grandes grâces, que viennent les heures les
plus critiques. Noé en est la preuve. Notre cœur, insensé et perverti, prend
occasion de la bienheureuse expérience du secours de Dieu pour se confier en
lui-même ; et l’orgueil va au-devant de la ruine. Quand on se confie en
soi-même, on est léger et imprévoyant, on néglige la prière. Il faut être
humble pour conserver intacts les dons de Dieu ; il faut marcher dans un
saint tremblement, tenir sans cesse son cœur dans ses mains. Sans doute, nous
sommes de nouvelles créatures, et l’Esprit de Dieu a pris possession de nous ;
notre vieil homme est crucifié. Toutefois, n’oublions pas que c’est « avec
Christ » qu’il est crucifié. Avec Christ, et non hors de lui ! Tant
que nous demeurons en lui, sa force, sa vie, son Esprit est avec nous, et sa
victoire devient la nôtre. Mais si nous nous séparons de lui par l’incrédulité,
par la désobéissance, par la légèreté, sachons bien que notre vieil homme n’est
plus ni sur la croix, ni dans la tombe, et que tous ses vices ne tardent pas à
reparaître. Si nous sortons de la communion cachée avec Christ, nous ne pouvons
manquer de faire d’humiliantes expériences Si nous repoussons les
avertissements et les censures de son Esprit, notre châtiment sera de voir
notre honte dévoilée, à tous les égards, comme celle de Noé : Thiersch »
Pour autant, le péché de Noé n’est pas une excuse pour celui
de Cham. Car, quoi qu’il ait fait à ce moment, Noé était le père de Cham, et
celui-ci se devait de couvrir sa honte. Or, ce n’est pas ce qu’il fit. S’amusant
du spectacle qui s’offrait à ses yeux, Cham sortit de la tente de son père pour
raconter à ses frères, sans doute en se moquant, ce qu’il venait de voir. Sem
et Japhet et ses frères furent doublement choqués, par le fait d’abord d’entendre
que leur père était dans cet état, puis par la façon avec laquelle Cham avait
réagi. Prenant la mesure du problème, ils entrèrent dans la tente à reculons et
couvrirent d’un manteau le corps de leur père exposé à la vue de tous. Ce qui
habitait le cœur des deux frères, ce n’est pas l’image que leur père leur
envoyait à ce moment-là. C’était le souvenir qu’ils avaient de l’homme de Dieu
qu’il était, malgré ce moment d’égarement.
« Le
patriarche, si souvent raillé par le monde incrédule, est maintenant un objet
de moquerie pour son plus jeune fils. Ce doit être pour lui une souffrance
pareille à celle que fit éprouver à Jésus la trahison de Judas : Thiersch. »
Il est certain que nous péchons gravement si nous utilisons le
péché ponctuel d’un homme de Dieu pour le dégrader ou porter préjudice à son
image aux yeux des autres. Les hommes de Dieu les meilleurs ont tous, ou
presque, à un moment donné, fait preuve de faiblesse à l’égard du péché. « Nous trébuchons tous à maintes
reprises, dit Jacques : Jacques 3,1. »
Ce que Dieu retient, ce ne sont pas nos chutes, mais la façon avec laquelle,
malgré nos chutes, nous avançons et progressons. Que Dieu nous garde d’être des
juges moqueurs et méprisants à l’égard du péché d’autrui, surtout si cet autrui
nous a donné des preuves répétées de sa piété.
Le
scandale donné par Noé était grand, il est vrai. Mais se scandaliser en
devient-il une vertu ? Plusieurs se l’imaginent. Lorsqu’ils se scandalisent
des faiblesses de leurs parents ou des fautes des hommes pieux, et qu’ils les
commentent et les racontent avec le sentiment d’être meilleurs que ceux qui ont
failli, ils croient par là faire preuve de sérieux et de zèle chrétien. Leur
scandale, leurs médisances, sont bien plutôt la marque de leur faiblesse, de
leur peu d’amour et de leur orgueil : Thiersch. »
L’attitude de Cham pour son père ne fut pas sans conséquence
durable pour lui. Noé, rapporte l’Ecriture, maudit la descendance de Cham,
Canaan, et bénit Sem et Japhet. La suite de l’histoire des peuples montrera le
caractère prophétique des paroles de Noé. Cham sera le père des Cananéens, des
Philistins et de quantité d’autres nations, ennemies du peuple de Dieu. Sem
sera le père d’Abraham et d’Israël. Japhet (les nations européennes ?)
bénéficiera de l’abri des tentes de Sem et de son Dieu, qui est le Dieu de Noé.
La grâce de Dieu fait que la faute des pères ne pèsera pas indéfiniment sur
leurs fils et leurs enfants après eux. Mais, soyons-en conscients aussi !
Ce que nous sommes, et la façon avec laquelle nous nous comportons, peut aussi avoir
de graves conséquences sur leur devenir ! D’un autre côté, les fils
doivent se souvenir du seul commandement qui s’adresse à eux dans la loi,
commandement assorti d’une promesse : Honore ton père et ta mère, afin que
tu sois heureux et que tu vives longtemps sur la terre : Exode 20,12 ; Ephésiens 6,2.
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