V 1 à 4 : unions contre nature
Les généalogies de Caïn et d’Adam par Seth ont mis en lumière
deux réalités touchant à l’évolution de l’humanité depuis l’entrée du péché. La
première est que, de génération en génération, le mal s’aggrave. Ce que n’avait
pas fait Caïn, son descendant Lémek le fera. La seconde est que le mal
s’amplifie et prend des proportions de plus en plus grandes. Il atteint de tels
sommets que Dieu en vient à avertir l’humanité du jugement qui l’attend. Il en
donne la preuve par Hénoc, prophète de Dieu, et signe pour ses contemporains du
jugement global qui va venir. La patience de Dieu atteindra son terme avec Noé,
fils de Seth et d’Hénoc. C’est ce que pressentit son père, appelé aussi Lémek,
qui vit en sa naissance l’heure de la consolation de Dieu pour les justes.
Avec le chapitre 6, nous entrons dans le détail explicatif des
causes qui provoquent ce jugement annoncé. La première citée se trouve dans
l’union contre nature entre les fils de Dieu et les filles des hommes. Diverses
explications ont été avancées à ce sujet. Celle qui, à mon sens, concorde le
mieux avec le sens du texte est celle qui voit une union contre nature entre
des anges et des femmes. La raison en est triple, même si les arguments donnés
ici ne fournissent pas une pleine certitude. La première est que c’est là ce
que rapporte de nombreux écrits de la tradition juive. La seconde est que c’est
peut-être à ce fait que se rapporte Jude quand il parle du jugement qui a
frappé certains anges qui ont quitté leur demeure : Jude 1,6. Il n’est pas impossible que, dans leur
dépravation, des anges déchus, autrefois supérieurs en dignité et en gloire,
soient allés dans leurs vices jusqu’à ces unions contre nature. De même que le
péché peut ravaler l’homme à des comportements plus odieux que la bête (cf la
zoophilie) qui sait à quoi a pu conduire la déchéance des anges ? Le 3ème
argument tient au fruit de cette union : la naissance d’une « espèce
humaine » hors-normes : les géants ou Nephilim qui, ajoute l’auteur,
furent des héros de grande renommée. Toute la mythologie ancienne témoigne de
l’existence de créatures mi-dieux, mi-hommes (voir la légende grecque des Titans,
être en partie terrestre et en partie céleste). Il n’est pas impossible que ces
récits fabuleux reposent sur un fondement historique oublié, mais rappelé ici.
Pour certains commentateurs bibliques, ce qui nous est relaté
ici dépasserait le stade de la simple affaire de corruption. Ils y voient une
tentative diabolique de faire avorter la promesse selon laquelle c’est de la
semence de la femme que naîtrait celui qui écraserait la tête du serpent. En
corrompant la race humaine, Satan empêcherait physiquement cette descendance de
naître. Cette interprétation n’est pas impossible, au vu de la haine acharnée
dont fera preuve Hérode contre le Messie à peine né, haine qui le conduira au
massacre des enfants de deux ans et au-dessous nés à Bethléem à la même
époque : Matthieu 2,16. Le texte de la
genèse laisse de plus entendre, en outre, que la race des Néphilim survécut au
déluge : v 4. On les retrouve en effet sur
la route d’Israël en Canaan : Nombres 13,33.
Ils sont ces fameux géants qui effrayèrent les espions envoyés par Josué, dont
Goliath sera l’un des descendants, au temps de David : 1 Samuel 17,4. Leur survivance tiendrait, non au fait,
que l’épisode relaté en Genèse 6,1 à 4 se soit
reproduit, mais plutôt que parmi les épouses des fils de Noé, l’une d’elle,
peut-être l’épouse de Cham, père de Canaan : Genèse
9,18, ait eue des gênes de Nephilim.
Cette nouvelle frontière dans le mal et la confusion franchie,
Dieu décida qu’il était temps d’y mettre un terme. La première mesure qu’il
prit est de limiter la durée de vie des êtres humains. Nous le voyons encore
aujourd’hui : quand l’homme s’ancre dans le mal, les années qui passent
n’arrangent rien pour lui. Au contraire ! Plus le temps passe, plus sa
conscience s’émousse et son cœur s’endurcit. Plus il banalise ce qui,
autrefois, l’aurait scandalisé. Puisque l’homme ne revient pas à Dieu avec
l’âge, à quoi sert-il de lui donner des siècles d’existence ? Dieu l’a
décidé : la vie des hommes ne dépassera plus les 120 ans. Plus tard, elle
s’abaissera encore pour être limitée en moyenne à 70 ou 80 années : Psaume 90,10.
Si les unions contre nature entre anges et femmes donnent le
coup d’envoi du jugement de Dieu, elles n’en sont pas l’unique raison, comme le
montre la suite du chapitre.
V 5 à 12 : l’étendue du mal
Outre les unions contre nature entre des anges déchus et des
femmes, un autre facteur motiva la décision de Dieu d’effacer de la terre les
humains. C’est l’ampleur qu’ont pris le mal, la corruption, la méchanceté et la
violence sur la terre. Où que les yeux de Dieu se portent, il n’y a plus aucun
lieu sur terre où le comportement des hommes puisse réjouir le cœur de Dieu. Le
constat de l’étendue du mal ne s’arrête pas aux actes. Dieu, qui connaît les
pensées du cœur, le voit aussi. En leur for intérieur, les hommes ne sont pas
meilleurs que dans leurs actes. Non seulement, ils font le mal, mais ils n’en
éprouvent aucun regret. On ne voit chez eux aucune prise de conscience qui les
amènerait à revenir en arrière et à rechercher le bien. Toute leur réflexion
n’aboutit qu’à une chose : une augmentation du mal. Bien que Dieu soit
Dieu et qu’Il se suffise à Lui-même, notons combien le mal commis par les
humains l’affecte et l’attriste. Face au mal, Dieu n’est ni indifférent, ni
blasé. Dieu souffre ! Et c’est Jésus-Christ qui, le mieux, manifestera à
la face de toute l’humanité, à quel point Dieu est partie prenante dans le
combat qui a pour objet de la débarrasser du mal pour lui faire retrouver le
bonheur pour lequel Il l’a créé.
Si Dieu peut choisir de rayer l’humanité de la carte du monde,
une des raisons de Sa décision tient au fait que Celui-ci n’a aucune renommée à
défendre auprès de qui que ce soit. Plus tard, alors qu’Il aura fait le choix
d’élire un peuple destiné à être Son témoin parmi les nations, Dieu y regardera
à deux fois avant de le détruire. La rédemption de ce peuple ayant passé par
là, sa destruction ne pourrait que porter préjudice à Sa réputation parmi les
nations. C’est là le principal argument utilisé par Moïse dans sa prière
d’intercession pour Israël après l’épisode sacrilège du veau d’or : Exode 32,12. Mais ici, Dieu n’a que Lui-même vis-à-vis
de Lui-même à considérer.
Le projet de Dieu arrêté, une seule chose va empêcher Sa main
de le réaliser dans sa totalité : la piété d’un homme : Noé.
L’humanité était-elle entièrement corrompue ? Non ! Il restait un
ilot sur lequel subsistait la marque d’une vie marquée par la justice, la
vérité, l’honnêteté : la maison de Noé. Aussi Dieu, prenant acte de cette
réalité, prit-Il une double mesure de justice et d’équité (cf Genèse 18,25). La première consista à s’en tenir à la
décision prise à l’égard des pécheurs et des rebelles. La corruption étant ce
qu’elle est, seul le jugement était approprié à la situation. La seconde fut de
préserver par Noé le projet mis en œuvre à l’origine lors de la création de
l’homme. Non ! L’humanité n’allait pas périr définitivement. Un nouveau
départ lui serait donné au travers de Noé et sa descendance.
Y a-t-il jamais eu fil si mince qui retienne encore l’humanité
à Dieu ? Y a-t-il jamais eu preuve si grande de la patience et de la
miséricorde de Dieu envers Ses créatures si décevantes ? Noé est ici un
type de Christ ! Car, comme il en fut pour l’humanité de l’époque avec
Noé, c’est à un seul homme qu’est rattaché le salut de celle
d’aujourd’hui ! Le fil est mince, mais solide et suffisant pour assurer sa
rédemption ! Bénis et heureux tous ceux qui y sont rattachés !
« Lorsque
toutes les possibilités concevables auront été épuisées, lorsque le règne du
monde aura connu ses diverses formes, alors paraîtra triomphalement le royaume
de Dieu sur une nouvelle terre et sous de nouveaux cieux où la justice habitera
éternellement. Si tel est le but à atteindre, les jugements ne doivent jamais
être totaux. Autrement, le rapport entre ce qui est passé et ce qui est à venir
serait perdu. Ce qui survient à la suite serait différent et indépendant plutôt
que continuation et progrès. Cela signifierait, en fait que l’univers n’est
rien d’autre qu’une déclaration ouverte de la faillite de Dieu et de tous les
principes d’éducation de l’humanité. Il doit donc toujours subsister un reste
qui, sauvé du jugement, devienne le fondement d’un développement ultérieur.
Telle est
la signification des hommes pieux dans le monde. Dans le jugement, ils sont les
agents de chaque nouveau commencement et témoignent de l’unité du plan
salvateur. C’est à travers ce petit troupeau que le grand salut manifeste sa
cohérence et son unité organiques. Ce sont eux seuls, les insignifiants de la
terre, qui sont l’humain fondement d’une rédemption ainsi rendue possible. Sans
eux, chaque élément de la révélation tomberait en pièces. Facteurs apparemment
superflus dans les affaires du monde, ils sont, en fait, les co-ouvriers de
Dieu à travers qui le monde est déterminé quant à sa continuation et à son
organisation finale. Leur marche avec Dieu sauve l’avenir du monde : Erich
Sauer. »
V 13 à 22 : Dieu se révèle à Noé
Comme Il le fera plus tard avec Abraham, Son ami : Genèse 18,17-18, Dieu va se révéler à Noé pour lui
faire part de Sa décision. L’humanité est dans un tel état moral de corruption
et de violence que la solution la meilleure qui soit est qu’elle soit détruite
et que, par Noé et sa famille, Dieu opère un nouveau commencement. Comme nous
l’avons vu plus haut, le jugement de Dieu n’est jamais une fin en soi. Il est
un assainissement, le fondement d’un nouveau départ, le moyen par lequel le
projet originel de Dieu peut se poursuivre. Le plan de Dieu éclairci, il n’y aura
de la part de Noé nulle tentative d’intercéder en vue d’inciter Dieu à le modifier.
La décision de Dieu est actée et arrêtée : v 13,
car elle est la seule qui réponde à la fois à Sa justice et à Sa miséricorde.
Rien ne peut y être ajouté ou retranché : Ecclésiaste
3,14 !
En simultanéité avec Sa décision de juger le monde, Dieu
révèle à Noé quel sera le moyen par lequel Il va opérer ce jugement (un déluge
d’eau), et quel sera le moyen de salut qu’Il a préparé pour lui et les siens :
la construction d’une arche. Notons ici que si la décision de Dieu est arrêtée,
Il va largement donner aux contemporains de Noé de le savoir. La construction
de l’arche va s’étaler sur une période de 120 ans, années pendant lesquelles
Noé ne cessera d’avertir ceux-ci de ce qui va se produire en lien avec la
justice de Dieu : 1 Pierre 3,20 ; 2 Pierre
2,5. Le salut de Dieu est préparé en vue de Ses élus et pour tous ceux
qui croient, mais il n’est pas caché au reste du monde. Tous ceux qui veulent
savoir comment être sauvé peuvent en avoir connaissance. La raison de la
perdition du monde n’est pas dans le fait qu’il ignorerait comment être sauvé,
mais dans celui qu’il ne cherche pas à l’être.
Jésus, dans les Evangiles, nous avertit qu’il en sera dans les
derniers jours comme au temps de Noé : Luc
17,26-27. Il précise dans les mots qu’il emploie pour décrire cette
époque ce qu’Il entend par là. Comme au temps de Noé, les hommes qui verront le
jugement de Dieu s’abattre sur l’humanité, n’auront pas plus de souci qu’eux
des questions spirituelles. Tous leurs centres d’intérêt tourneront autour
d’une seule chose : leurs intérêts immédiats, les satisfactions du monde
présent. Le salut de Dieu en Christ aura pourtant été proclamé à tous les
peuples, toutes les nations. Mais, dans leur grande majorité, les hommes ne
s’en soucieront pas.
Au travers de Noé, nous voyons que le salut de Dieu est à la
fois l’initiative de Dieu et une œuvre faite en collaboration avec ceux qui en
sont l’objet. En tant qu’élus de Dieu, nous sommes appelés à être des
contributeurs au salut du monde. Nous sommes ouvriers avec Dieu dans Son champ
qui est, à la fois, l’Eglise et le monde : 1
Corinthiens 3,9 ; Matthieu 13,38. Telle l’arche de Noé, l’œuvre que
Dieu a faite en Christ est parfaitement suffisante pour garantir le salut. Mais
cette œuvre pour atteindre son but nécessite un témoignage qui doit parler et
atteindre tous les hommes. C’est là notre contribution.
Dans les plans que Dieu fournit à Noé pour la construction de
l’arche, deux particularités sont à remarquer. La première est que l’arche n’a
aucun gouvernail, ni rien qui puisse servir d’élément de pilotage. Au vu de ce
qui va se produire, on la dirait totalement livrée à elle-même face aux flots
déchaînés des eaux. En réalité, il n’en est rien ! Si aucune main visible
ne guide l’arche, il en est une invisible qui la tient sûrement. C’est la main
de Dieu. La seconde particularité de l’arche est que sa seule fenêtre sera
celle qui sera faite dans son toit. Les habitants de l’arche ne verront pas le
monde extérieur périr dans les flots. La seule vue qui sera la leur sera celle
du ciel. Il y a là une double image de la condition des élus. La première image
nous rappelle que ce n’est ni par la sagesse, ni par l’organisation de l’homme
que l’Eglise de Jésus-Christ est conduite, mais par Son Esprit, puissance invisible,
mais combien plus sûre ! Comme les habitants de l’arche, les élus de Dieu
n’ont pas à craindre le jugement qui va s’abattre sur le monde. Protégés en
Christ, ils traverseront toutes les tempêtes pour arriver à bon port sur la
terre nouvelle que Dieu a préparé pour eux. La seconde nous parle de l’espérance
qui habite le cœur de tout vrai enfant de Dieu. Nous devons nous en souvenir
chaque jour : le monde dans lequel nous sommes va périr, non plus par l’eau,
mais par le feu du jugement : 2 Pierre 3,5 à 7.
Notre unique espérance se trouve dans les cieux. Aussi, c’est dans cette
direction que doit tendre notre cœur et se porter tous nos regards.
Si l’arche vise le salut de Noé et sa famille, ils n’en sont
pas les seuls bénéficiaires. En fait, par la venue d’un couple d’animaux de
chaque espèce, c’est toute la création que Dieu sauve. Paul nous rappelle que,
dans notre temps, cette même création soupire en attendant la manifestation des
fils de Dieu dans la gloire. Car, à ce moment, elle aussi sera affranchie de la
servitude dans laquelle le péché d’Adam l’a soumise : Romains 8,19 à 21.
Par Noé, Dieu annonce enfin qu’Il va faire entrer l’humanité
dans une nouvelle alliance. Il va en définir les termes plus tard. Le but de
cette nouvelle alliance sera de définir les nouvelles conditions dans
lesquelles l’humanité sortie du déluge devra vivre en relation avec Lui.
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