lundi 4 juin 2018

GENESE 27


V 1 à 40 : Jacob usurpe la bénédiction destinée à Esaü

La gloire d’Israël a été de tout temps de se reconnaître comme le peuple du Dieu de ses pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. N’est-ce pas en effet avec ces hommes que Dieu a fait une alliance, L’engageant à être leur Dieu et celui de leur postérité à jamais ? On pourrait penser que le fait pour Dieu de consentir à lier l’honneur de Son nom à ces hommes trouve sa raison d’être dans le caractère particulièrement digne de ceux-ci. L’histoire dans laquelle nous entrons et ses suites le démentent de manière radicale. L’alliance que Dieu a contractée avec Abraham, Isaac et Jacob est une alliance de grâce. S’il en fallait des preuves, la façon avec laquelle s’est transmise la bénédiction de Dieu sur Jacob au lieu d’Esaü en est une des plus fortes.

Tout dans le récit de la manière avec laquelle Jacob reçut la bénédiction d’Isaac témoigne du caractère sordide et fourbe de la nature humaine. Si le degré de responsabilité diffère chez chacun, aucun des acteurs de l’histoire n’échappe à la faute.

1.        Isaac :

Isaac, le premier : qu’avait-il besoin, pour donner sa bénédiction à Esaü, son fils aîné, d’exiger de lui qu’il lui prépare un plat fait de gibier comme il l’aimait ? Une bénédiction de Dieu s’achète-t-elle, se mérite-t-elle ? Sa démarche vaut-elle mieux que celle d’Esaü qui, pour un plat de lentilles, a vendu son droit d’aînesse à son frère dans un moment de faiblesse ? Si Isaac n’avait pas cédé à son penchant pour la bonne chère, jamais ce qui s’est passé ne se serait produit. Esaü aurait été béni par son père sur le champ. C’est à lui en premier qu’il se doit d’en vouloir pour la tromperie dont il a été la victime !

2.       Rébecca :

Le péché de Rébecca est celui qui, de loin, paraît le plus grave dans l’histoire. Non seulement, elle échafaude un plan dans lequel elle berne son mari, mais elle y fait entrer le fils qu’elle préfère contre son autre fils. Elle va si loin dans son implication personnelle dans le mensonge qu’elle accepte de prendre sur elle la malédiction qui ne manquera pas de tomber sur son fils si la vérité venait à se faire jour avant que le subterfuge ne fonctionne. Nous verrons par la suite que Rébecca payera au prix fort sa ruse. En attendant, Rébecca se montre un maître d’œuvre avisé, pensant jusqu’au moindre détail le plan qu’elle a conçu pour détourner la main bénissante d’Isaac sur Jacob à la place d’Esaü. Du début à la fin de cette histoire, tout est péché dans la façon d’agir de Rébecca. Elle trompe son mari à qui elle se doit d’être soumise. Elle pratique aux dépens de son fils aîné un favoritisme honteux. Elle agit dans le mensonge et y entraîne avec elle le fils qu’elle dit aimer, ce qui lui vaudra plus tard un bannissement définitif de sa présence. Elle s’active du début à la fin dans son projet mauvais. Elle en est à la fois la conceptrice et la réalisatrice. Elle est prête à en assumer toutes les conséquences néfastes. La laideur du cœur naturel de Rébecca n’a d’égal que sa beauté physique.

3.       Jacob :

En tant que confident de sa mère en vue du projet qu’elle a élaboré, Jacob aurait dû être plein d’indignation. Comment pouvait-il tromper son père et voler son frère de la sorte ? N’aurait-il pas dû, comme son fils Joseph plus tard, être rempli de la crainte de Dieu : Genèse 39,9 ? Si Jacob, malgré ses craintes, adhéra au projet de sa mère, ce n’est dû qu’à une seule chose que Esaü, son frère, dénoncera à juste titre : sa fourberie : v 36. C’est elle qui, la première fois, l’a poussé à saisir l’occasion favorable pour voler à son frère son droit d’aînesse. Il l’a fait alors franchement au vu et au su d’Esaü. Ici, Jacob perd ce scrupule. Il agit, comme le lui suggère sa mère, par derrière, dans le dos de son frère. Jacob, de plus, apportera à deux reprises sa propre part de mensonge à la réussite du stratagème. Alors qu’Isaac s’étonne de voir venir si vite celui qu’il prend pour Esaü, Jacob justifiera cette rapidité en y impliquant la main même de Dieu pour cause première de la réussite de sa chasse : v 20. Puis, plus tard, lorsque son père l’interroge à cause du doute que lui donne la voix qu’il entend et qu’il reconnaît comme celle de Jacob, celui-ci n’hésite pas à mentir ouvertement : oui, dit-il, il est bien Esaü : v 24.

On ne se tient pas longtemps sur le seuil de l’entrée de la fourberie. Bientôt on entre dans la maison et on ferme la porte derrière soi pour que ce que nous tramons ne soit ni vu ni connu de personne. Il est rare, quand l’on a commencé à mentir et que le résultat en a été un succès, que l’on s’arrête en si bon chemin. Donner le petit doigt au mensonge, c’est finir par lui livrer tout son être. L’effet le plus pervers du mensonge n’est pas encore la tromperie qu’il représente à l’égard d’autrui. Il est, dans celui qui ment, l’engrenage dans lequel il se trouve entraîner qui conduit inexorablement à l’étouffement de la conscience.  La conscience, par les scrupules qu’elle suscite, joue le rôle d’un garde-fou nous protégeant de nous-mêmes. Le premier but du mensonge, lorsqu’il pénètre dans l’âme, est de renverser les barrières érigées par la conscience pour arriver à ses fins. Ce travail de sape du mensonge est particulièrement visible chez Jacob. Après Esaü, c’est Isaac, son père, que Jacob n’hésite pas à tromper, jetant par-dessus bord le respect qu’il lui devait. Puis, après Isaac, c’est Dieu Lui-même, qui est pris comme caution du mensonge de Jacob. On atteint ici le sommet de la fourberie qui est le sacrilège, la profanation volontaire de la vérité et de la sainteté du nom de Dieu. Heureusement pour Jacob, Dieu se montrera plus grand que son cœur. Il faudra cependant un travail en lui qui durera toute sa vie pour en arracher la plante malfaisante de la duplicité.

4.       Esaü

Pour une fois, il apparaît ici comme la victime totale du complot ourdi par sa mère et son frère. Quelque part, Esaü paye le choix qu’il a fait plus jeune de mépriser les avantages spirituels que lui donnait son droit d’aînesse. Sa repentance et ses larmes tardives ne purent rien y changer : Hébreux 12,17. On ne se moque pas de Dieu. Tôt ou tard, chacun de nous moissonne dans sa vie ce qu’il a semé : Galates 6,7.

Le récit que nous lisons évoque le côté humain de l’histoire, son recto. Derrière, il y a la main mystérieuse de Dieu qui agit, contrôle et fait aboutir les choses dans le sens de Son projet. Chaque acteur est responsable de sa façon d’agir et en sera redevable à Dieu. Dieu a cependant le pouvoir de tirer du plus grand des maux un bien. Même les machinations des hommes n’échappent pas au contrôle de Sa souveraineté parfaite. À tout moment, en effet, le plan conçu par Rébecca aurait pu capoter à sa confusion la plus totale. Mais Dieu a laissé faire. Mieux, il a contrôlé les circonstances de manière à ce qu’Isaac ait le temps de manger le repas préparé par Jacob pour le bénir avant qu’Esaü ne rentre de la chasse et n’apprête son gibier. Ici aussi, l’homme forme des projets, mais c’est la volonté de Dieu qui se réalise : Proverbes 19,21.

Pensant bénir Esaü, Isaac ouvrit les écluses des cieux pour que soit déversé sur Jacob tous l’abondance des privilèges dus à la primauté de la faveur de Dieu. Isaac demanda pour son fils trois bénédictions qui, à elles seules, recouvraient tout le champ de sa vie et de sa position. La première touchait au domaine agricole. Isaac demanda pour Jacob qu’il soit au bénéfice de la rosée du ciel et des ressources de la terre en vue de récoltes abondantes. La seconde s’appliquait au domaine de sa liberté et de sa souveraineté. Isaac exprima le vœu que des peuples et des nations lui soient assujettis et se prosternent devant lui, que Jacob soit mis au large en occupant, par la faveur de Dieu, une position d’autorité dans le monde. La dernière concernait le domaine de sa relation avec ses frères, les fils de sa mère (il s’agit ici de la descendance d’Esaü). Ici aussi, Isaac demanda à Dieu que Jacob occupe une position de primauté reconnue par ses frères. Isaac ferma la boucle de la bénédiction en demandant à Dieu ce qu’Il avait Lui-même ordonné pour Abraham : que celui qui maudisse Jacob soit maudit et que celui qui le bénit soit béni. Après cela, que pouvait encore recevoir Esaü qui ne touche à un domaine couvert par la bénédiction de Dieu pour Jacob ?

Face à la détresse d’Esaü, qui se voit spolié pour la seconde fois par son frère Jacob, Isaac ne peut, en guise de bénédiction, que lui proposer une issue de secours. Même si elle était destinée à Esaü, il est impossible à Isaac d’annuler les termes de la bénédiction qu’a reçue Jacob. La bénédiction est en quelque sorte une entité objective, séparée de celui qui en est le bénéficiaire. Ce qui a été dit et prononcé au nom de Dieu à Jacob sera pour Jacob, même si, dans l’esprit d’Isaac, cela était destinée à Esaü. Isaac confirme donc à Esaü la bénédiction qu’a reçue Jacob, mais il y ajoute une clause de salut pour lui. Tant qu’Esaü vivra sous la juridiction de Jacob, il lui sera soumis. Le seul moyen de se libérer de son joug sera pour lui de se soustraire à cette juridiction en prenant sa liberté pour vivre dans l’errance. Triste conclusion d’un épisode que Dieu seul sera capable de dénouer pour le bien de tous !

V 41 à 48 : Départ de Jacob chez son oncle Laban

Si Rébecca et Jacob sont arrivés par la tromperie à leurs fins en usurpant la bénédiction destinée à Esaü, ce n’est que maintenant qu’ils vont récolter le fruit de leur manigance. Certes, Jacob a reçu la meilleure part de la bénédiction de son père, mais il a aussi fait naître dans le cœur de son frère une profonde aversion à son égard. Dès lors, Esaü ne cache plus le dessein qui est dans son cœur. Tant que son père Isaac vit, il ne fera rien à son frère. Mais Isaac est âgé, il n’en a plus pour longtemps. Dès qu’il mourra, c’en sera fini de Jacob aussi.

Une fois de plus, c’est à l’initiative de Rébecca que Jacob devra ce qui va se produire pour lui dans l’avenir. Consciente du caractère résolu du projet meurtrier d’Esaü, elle va convaincre Isaac de laisser partir Jacob chez son frère Laban pour se trouver une femme. Le prétexte énoncé est que Rébecca ne veut pas que Jacob imite son frère Esaü en prenant une épouse parmi les filles hittites. L’argument fait mouche chez Isaac qui souffre de cette alliance incongrue de son fils aîné avec ces femmes païennes : Genèse 26,34. Dans l’esprit de Rébecca, cet éloignement ne sera que pour un court temps. Elle va devoir apprendre ici qu’elle ne peut tout décider et contrôler et que c’est à Dieu qu’appartient la souveraineté sur chaque vie.

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