jeudi 7 décembre 2017

GENESE 3

V 1 : c’est sous la forme d’un animal, un serpent, que le tentateur se présente à Eve. Plusieurs choses peuvent être dites ici. Pour quelle raison l’approche du tentateur s’est-elle faite par ce procédé ? Eve n’aurait-elle pas dû trouver étrange de voir un animal lui adresser la parole ? Pour la première question, la réponse se trouve peut-être dans ce qui nous est dit au sujet de la caractéristique du serpent : le serpent était le plus avisé, sagace, rusé de tous les animaux que le Seigneur avait faits. Le support utilisé par le diable est en phase avec l’objectif qui est le sien : séduire, tromper pour faire chuter. D’autre part, une des raisons pour lesquelles le diable a choisi d’utiliser le serpent tient au fait qu’il n’avait guère d’autres choix. Qui pouvait s’adresser de vive voix à l’homme dans le jardin, mis à part Dieu et un autre homme ? Or, Satan ne pouvait utiliser ni l’un, ni l’autre, le premier parce que cela n’était pas en son pouvoir, le second, parce qu’il n’y avait d’autres êtres humains qu’Adam et Eve. Il dut donc se rabattre sur le monde animal pour trouver un média et il choisit parmi les animaux celui qui était le plus propre par ses qualités naturelles à lui servir de moyen pour arriver à ses fins. Pour la seconde question, oui, Eve aurait dû à double titre être étonné de ce fait : par son incongruité même d’une part, et, d’autre part, par le fait que c’est à elle seule, et non au couple ou à Adam, que le serpent s’adresse. Le chef n’était-il pas Adam, et non elle ?

La question posée par le serpent : elle témoigne du fait que celui-ci était au courant de ce que Dieu avait dit à Adam lorsqu’il le créa et le plaça en Eden : Genèse 2,16-17. Il s’adresse subtilement à Eve, alors que c’est à Adam, le chef, que Dieu avait donné Ses ordres. Elle est formulée de manière à ce que, dans la réponse d’Eve, son attention soit inévitablement concentrée sur l’arbre interdit. Il y a déjà une manœuvre de manipulation de sa part dans la façon dont il entre en dialogue avec Eve. Ce n’est pas pour rien que la caractéristique majeure du serpent est la ruse. La ruse, c’est l’intelligence au service de la tromperie, le propre même de la manipulation. La question porte sur les termes exacts de ce que Dieu a dit. C’est sur la Parole de Dieu, ses termes exacts, que le combat du diable se porte. S’il peut nous amener à croire à une version atténuée ou quelque peu faussée des termes que Dieu utilise lorsqu’Il parle, il a gagné. C’est pourquoi Jésus lui répondra par les mots exacts de la Parole lorsque, en second Adam, il sera lui aussi tenté : Luc 4,4.8.12. Que Dieu nous accorde dans Sa grâce une compréhension claire et biblique des mots qu’Il emploie pour dire les choses, donner Ses ordres et décrire la réalité !

V 2 et 3 : qu’aurait dû faire Eve face à la question posée ? La première chose est qu’elle aurait dû ne pas répondre elle-même, mais renvoyer le serpent à Adam. Ce n’était pas à elle, mais à lui de lui faire face. La première faute d’Adam a été son silence face à l’initiative d’Eve de répondre au serpent. Comment les choses se sont-elles exactement déroulées ? Nous ne le savons pas ! Eve était-elle seule au début et son mari est-il venu en cours de conversation ? Ou était-il là dès le début et a-t-il laissé faire ? Une des choses les plus étonnantes dans le récit qui nous est rapporté est la passivité totale d’Adam. Il ne dit rien et lorsqu’Eve prend le fruit, puis lui en donne, ne fait rien.

Dans sa réponse, Eve commence par rétablir la vérité. Alors que Satan met dès le début l’accent sur ce qui n’a pas le droit d’être mangé, Eve répond par ce qu’elle et son mari ont le droit de faire. La conversation aurait dû s’arrêter là ou aurait dû prendre cette forme : « Si ! Dieu nous a donné le droit de manger de quantité de fruits des arbres du jardin ! Il y en a tellement que cela nous suffit largement. Leur abondance est le témoignage de la grande bonté de Dieu envers nous. Ce témoignage nous suffit pour nous dire que si Dieu nous interdit quelque chose dans le jardin, Ses raisons là aussi sont bonnes pour nous ! »
Mais Eve tombe dans le piège ! Elle donne plus d’importance dans sa réponse à l’arbre interdit. Elle ajoute au commandement de Dieu le fait même de ne pas y toucher. Cet ajout n’est pas mauvais en soi. Quand quelque chose est interdit et mortel, la meilleure façon de s’en préserver est de s’en tenir à distance, de ne pas l’approcher. L’ajout d’Eve témoigne qu’elle avait compris quelle implication concrète avait pour elle l’avertissement de Dieu au sujet de l’arbre. Mais le fait demeure : l’arbre interdit est au cœur de la conversation. Il occulte tout le reste et devient l’objet premier de l’attention d’Eve, ce à quoi voulait aboutir le serpent.

V 4 et 5 : à partir de là, tout le discours du serpent poursuivra un seul but : démystifier la menace qui pèse sur le fruit de l’arbre interdit. Et à ce sujet, Satan s’est montré un expert. Alors que la menace formulée par Dieu est encore dans la bouche d’Eve, il la nie. Puis il poursuit en disant qu’au contraire, le fait de transgresser l’interdit ne leur nuira pas, mais apportera un plus à leur condition qu’ils ne connaissent pas encore : être comme des dieux. La seule manière de convaincre un homme de faire ce qui est mal est non seulement de nier les conséquences que ce mal aura sur sa vie, mais de lui faire croire que le mal qu’il fera lui apportera en fait un bien. Le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal n’est pas encore mangé par Eve que son poison est déjà distillé dans son esprit par les propos du diable.

V 6 : d’un jugement objectif sur les choses, fondé sur la parole de Dieu, Eve passe sous l’effet du poison du doute à un jugement subjectif de la réalité. La puissance de la tentation ne se manifeste pas seulement dans l’invitation du diable à goûter au fruit interdit. Elle est aussi dans les impressions, les sentiments faussés qui se produisent en nous à partir du moment où nous considérons la proposition qui nous est faite. Chaque fois que nous jugeons de la gravité d’une chose à partir de nos sentiments, notre jugement s’en trouve faussé. Avant même qu’elle ait goûté à son fruit, il nous est dit que la femme vit que l’arbre était bon pour la nourriture, ce qui en soi-même est une absurdité. La subjectivité fait que c’est à partir des impressions visuelles, de l’apparence que l’on juge du bienfait d’une chose. L’objectivité fait que c’est l’avis de Dieu, un avis extérieur à nous-mêmes, l’avis de la seule personne apte à nous dire ce qui est bien et ce qui est mal, qui dicte notre comportement en la matière. Eve va faire l’expérience amère que l’avis qui était juste était celui de Dieu. L’avis de Dieu est toujours celui qui correspond à la réalité. Si nous n’en tenons pas compte, les faits nous le prouveront rapidement.

Ce qui étonne ici, comme déjà dit, est la passivité totale d’Adam. L’instrument de séduction du diable pour Adam n’est pas le fruit en lui-même, mais Eve. Celle qui devait être son vis-à-vis, une aide est devenue l’instrument de sa chute, de sa désobéissance à Dieu. Le péché d’Adam n’est pas tant d’avoir pris du fruit que d’avoir choisi de lier son sort à celui d’Eve dans la désobéissance à Dieu que Lui être resté fidèle. Le don que Dieu a fait à Adam d’Eve par amour pour lui se retourne contre Lui. Le cadeau de Dieu est devenu dans son cœur plus important que le donateur. Ce n’est pas là une interprétation particulière de ce qui s’est passé, mais la version qu’Adam va lui-même donné des faits : Genèse 3,12.

V 7 : la promesse faite par le serpent se réalise : les yeux d’Adam et Eve s’ouvrent. La question est de savoir sur quoi ils s’ouvrent. En leur promettant que, s’ils mangent du fruit interdit, leurs yeux s’ouvrent, Satan leur suggère qu’ils pourront avoir accès à une connaissance des choses à laquelle ils n’ont pas droit. Il leur fait ainsi croire que Dieu les maintient par l’interdit dans un état d’infériorité ou de limite volontaire. Mais qu’ils mangent du fruit de l’arbre et tout un domaine de connaissances auquel ils n’ont pas accès va s’ouvrir à eux ! Satan inverse les rôles. Il se fait passer pour celui qui, dans l’histoire, est le bon, le généreux, le prodigue et il fait passer Dieu pour celui qui, par mesquinerie, cherche à se garder pour lui les hommes en les enfermant dans une sphère de connaissance qui les empêche de voir ailleurs et au-delà ce qui peut exister.

Les yeux d’Adam et Eve s’ouvrent, mais la connaissance à laquelle ils ont accès n’est pas celle à laquelle ils s’attendaient. Le premier sentiment qui les envahit, sentiment qui leur était étranger jusque-là, est la honte. La honte est un sentiment qui nous pousse à nous cacher aux regards d’autrui à cause de ce que nous découvrons de nous et qui avilit notre dignité. La honte s’éprouve toujours face à autrui. C’est une émotion à caractère social qui vient du fait que, quelque part, nous nous trouvons quelque chose qui nous dégrade par rapport aux normes éthiques et sociales de notre environnement. La honte éprouvée ici par Adam et Eve n’a pas qu’un aspect négatif. Ne pouvant supporter d’être exposés nus face au regard de l’autre, chacun cherche à se fabriquer quelque chose qui le couvre, qui le rend de nouveau honorable à sa propre vue et à celle d’autrui. La honte nous pousse à reconquérir ou à retrouver notre dignité, ce qui est justement le but de la rédemption. Une société qui n’a plus honte de rien est une société qui ne peut plus être rachetée. Rien n’est pire que de mettre sa gloire dans ce qui devrait faire sa honte : Philippiens 3,19.

Au lieu d’apercevoir le mal du sommet du bien, Adam et Eve aperçoivent le bien du fond de l’abîme du mal. L’expérience n’est pas toujours le meilleur maître ; l’homme en fait souvent les frais ! Plus les yeux d’Adam et Eve et de l’humanité s’ouvriront sur les possibilités du mal, plus ils se fermeront sur celles du bien, et deviendront aveugles à ce sujet !

V 8 : Après la honte, Adam et Eve font face à un nouveau sentiment inconnu jusqu’alors : la peur. Le Dieu même qui les a créés, qui leur a donné tant de preuves de Son amour, qui jusque là se plaisait à se trouver en leur compagnie, ce Dieu à qui ils doivent tant devient tout à coup pour eux une menace et un sujet de crainte. Pourtant, Dieu n’a pas changé. Ce qui a changé par contre ce sont les dispositions du cœur d’Adam et Eve à Son égard. La peur de Dieu est motivée par la même raison qui provoqua le sentiment de honte qui s’empara d’Adam et Eve suite à leur désobéissance. Adam et Eve n’ont pas envie d’être vus tels qu’ils sont par Dieu. Ils tentent donc, vaine initiative, de se cacher pour échapper à Son regard, à un face à face avec Lui. Nous pouvons être sûrs que chaque fois que nous fuyons quelqu’un que nous savons nous être propices, cela n’est dû qu’à une seule chose : le péché qui se trouve en nous.

V 9 : c’est à Adam, le chef de famille et de la création, que Dieu s’adresse en premier. Alors que Dieu agit envers le couple que forme Adam et Eve en vérité, c’est-à-dire en accord avec le réel qui place Adam en position de responsabilité, la première ruse du diable aura été de transgresser cet ordre. Quand Jésus dit que la tromperie et le mensonge sont le fonds du diable : Jean 8,44, la preuve nous en est donnée dans ce chapitre. Satan ne respecte aucune vérité, aucun cadre, aucune disposition voulus par Dieu. Il est le transgresseur par excellence.

La première parole de Dieu après la chute se présente à l’homme sous la forme d’une question : Où es-tu ? C’est la question que Dieu pose à chacun encore aujourd’hui. Où te trouves-tu ? Comment se fait-il que tu es là où tu es, dans l’état dans lequel tu es ? La question peut aussi vouloir dire : D’habitude, Adam, lorsque je viens, tu es là ! Tu accours même vers Moi ! Comment se fait-il que ce ne soit pas le cas aujourd’hui ? Qu’y a-t-il, que s’est-il passé pour que notre rencontre si heureuse, ne se produise pas comme d’habitude ? Dieu sait bien évidemment ce qui s’est passé. Mais le but de la question est aussi d’aider l’homme à sortir de sa retraite, à dépasser sa crainte et à faire un premier pas vers Dieu en lui avouant sa faute. C’est ce qui va se passer.

V 10 : Dans sa réponse à Dieu, Adam se garde d’aller au fond des choses. Puisque Dieu l’interroge, le poursuit de Sa présence, il ne peut faire autrement que répondre. Adam donne les raisons émotionnelles et psychologiques qui expliquent son comportement fuyard à l’égard de Dieu, mais jusque là il ne dit mot sur ce qui en est la cause. C’est souvent de cette manière que réagit le pécheur interrogé sur son péché. Il nous parle du mal-être qui est le sien, de la gêne que sa situation lui occasionne sur le plan relationnel, avec Dieu, puis avec les autres. Mais il ne dit pas les mots que Dieu voudrait entendre, les mots qui le libéreraient de la mauvaise conscience qui le tenaille.

Nous ne devons pas nous attendre dans la cure d’âme à ce que, spontanément, le pécheur confesse son péché. Il nous faudra lui poser des questions, le traquer dans ses cachettes, le corriger dans ses essais de justification pour le conduire enfin à reconnaître la vérité. Nous devons nous rappeler à ce sujet que se satisfaire de moins, c’est passer à côté du but même de l’accompagnement. Ce but est que le pécheur soit restauré dans sa relation avec Dieu. Or, cette restauration ne peut se faire que par la vérité. Les réponses successives d’Adam prouvent qu’il n’y a rien pour lequel le pécheur soit le moins disposé que ceci.

V 11 : la pédagogie de Dieu est de reprendre au vol ce qu’Adam est prêt à dire et à lâcher pour le pousser plus loin dans ses retranchements et arriver par le procédé du questionnement au cœur du problème. Car, qu’il le veuille ou pas, le pécheur, sauf s’il se tait, ne pourra empêcher que son péché se dévoile. Si Adam a honte d’être nu, cela ne peut être dû qu’à une seule chose. Dieu le sait ! C’est pourquoi, il se saisit de la porte qu’Adam entrouvre pour poser la question qui soulève la raison, la cause du malaise qu’évoque Adam : Aurais-tu mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? Il nous faut apprendre, dans ce que notre frère ou notre sœur nous consentent à dire à propos de leur situation de péché, à saisir les cordes qu’ils nous lancent pour aller plus loin. Quand quelqu’un nous dit : « Je ne peux plus côtoyer ce frère sans éprouver de la rancœur envers lui ! » ou « Je ne supporte pas qu’on me reprenne !», il y a là un diagnostic à faire et une perche tendue pour remonter à l’origine du problème. Il ne nous faut pas donner les réponses à la place de notre frère, mais lui donner l’occasion de la formuler lui-même.

V 12 : A la question de Dieu, Adam répond juste. Mais la justesse même de sa réponse le condamne. En mettant la responsabilité principale de sa désobéissance sur Eve et en se présentant comme un acteur passif, quasi une victime, il témoigne qu’il a triplement péché. Premièrement, il n’a pas rempli sa mission de chef de famille, celui à qui Dieu a confié la mission de veiller et de garder le jardin : Genèse 2,16. Ensuite, il témoigne du fait qu’entre obéir à Dieu et donner suite à l’invitation de sa femme à Lui désobéir, c’est la seconde proposition qu’il a retenue. Il confesse enfin qu’il a péché en toute connaissance de cause. Adam n’était pas dupe de l’interdit que Dieu lui avait donné. Malgré le fait que ce soit par Eve qu’il soit tombé, il l’a choisi volontairement.

A la question posée par Dieu, Adam en arrive même à mettre Dieu en cause. Puisque c’est Dieu qui lui a donné Eve, Dieu porte lui aussi en quelque sorte une part de responsabilité dans ce qui est arrivé. Les coupables sont donc, dans l’ordre : Eve, Dieu, puis Adam, pauvre victime.

Combien même dans la confession de la vérité, le cœur du pécheur s’avère fourbe. Si la vérité doit être dire, qu’elle le soit du bout des lèvres ! Que la part qui me revienne dans la responsabilité de mon péché soit la moindre et que celle de celui qui m’y a entraîné soit la plus mise en évidence ! Oui, c’est sans exagération que le prophète Jérémie dit : Le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant : Qui peut le connaître ? : Jérémie 17,9. Dieu le connait ; Il ne se satisfait jamais des demi-vérités, ce que démontre la suite du récit !

V 13 : Eve ayant été désignée par Adam comme la principale responsable de sa désobéissance, c’est vers elle que Dieu se tourne maintenant pour l’interroger. Pour se faire, il use du même procédé que celui utilisé pour Adam : le questionnement. La question de Dieu est directe et touche aux motivations qui ont poussé Eve à braver l’interdit de Dieu pourtant clairement énoncé ! Comme ce fut le cas pour Adam, Eve élude sa propre responsabilité dans l’affaire pour la reporter entièrement sur la ruse du serpent. Dans un certain sens, elle n’a pas tort : le serpent l’a bel et bien trompée. Il a fait miroiter à son cœur des mirages qui n’étaient que des illusions. Mais si Eve s’est fait berner, c’est qu’elle a cru à ces mensonges. Elle a adhéré à leur contenu qui consistait à faire Dieu menteur. Elle est entrée dans l’idée que Dieu ne voulait pas le meilleur pour elle et qu’il y avait quelque part autre chose qui pouvait faire d’elle quelqu’un de plus grand que ce que Dieu avait fait d’elle. Elle s’est faite à l’idée qu’il n’était pas mauvais de désobéir à Dieu et de lui être rebelle. Elle a préféré croire à la parole du serpent, dont elle n’avait aucune preuve de la pureté des intentions, plutôt qu’à celle de Dieu qu’elle connaissait et qui lui avait donné mille preuves de Sa bienveillance. Puis elle a entraîné son mari dans cette voie.

Après les questions, vient l’heure du verdict de Dieu sur chacun en fonction de ses responsabilités. Remontant le fil de l’histoire selon les accusations portées par chacun en ce qui concerne sa part de responsabilité, c’est au serpent que Dieu s’adresse en premier :

V 14 et 15 : la première sanction touche au serpent en tant qu’animal et instrument du diable. Alors que le serpent se déplaçait jusque là sur des pattes, il se déplacera désormais, dit la sentence de Dieu, sur le ventre, afin qu’il morde la poussière tous les jours de sa vie. Comment comprendre un tel jugement sur un animal qui ne fut que le jouet de Satan ? Puisque Satan a voulu utiliser le serpent, le plus rusé de tous les animaux des champs, comme outil de séduction, c’est par le sort réservé au serpent que Dieu va lui faire connaître le jugement qui l’attend. Satan, l’ange de lumière, ne va plus être l’être glorieux qu’il a été jusque-là. Dieu va le dégrader. Il va connaître un état d’abaissement et d’abjection tel qu’il va être mis au rang des plus viles créatures : Michée 7,17 ; Psaume 72,9. Une telle humiliation n’est pas unique dans l’Ecriture. Elle est un principe qui s’applique à tous ceux qui s’élèvent contre Dieu au-delà de ce qui est acceptable au vu de Sa gloire : ex : Nabuchodonosor : Daniel 4,30 ; le roi de Babylone : Esaïe 14,16 à 19.

La sanction émise contre le serpent suit dans son second article la même logique que pour le premier. Les outils que Satan a utilisé pour séduire et corrompre seront ceux que Dieu va employer pour lui signifier le jugement qui l’attend. Puisque c’est par la femme que Satan a fait chuter l’humanité, c’est par sa descendance qu’il sera vaincu et écrasé. Nous avons ici en germe la première prophétie sur Jésus, né uniquement d’une femme : Esaïe 7,14 ; Galates 4,14. Ce n’est pas seulement Christ, mais toute l’Eglise issue de Lui, qui participera à Sa victoire qui consiste ultimement à l’écrasement de la tête du serpent ancien : Romains 16,20.

V 16 : le jugement qui atteint la femme la touche dans ce qui est sa double vocation de mère et d’épouse. En tant que mère, ce sera avec une douleur plus grande qu’elle enfantera. Cette augmentation de douleur ne sera pas de la part de Dieu le fait d’une volonté de la faire souffrir pour la punir, mais la conséquence de la corruption que va entraîner le péché dans le corps. Sans le péché, le corps de la femme aurait connu une certaine souffrance pour l’accouchement, mais le péché aura pour effet inévitable de l’amplifier. Le péché n’a pas atteint que l’être intérieur d’Adam et Eve. Il a aussi touché les capacités, la santé de l’être extérieur. Le fait d’avoir été l’outil par lequel le diable a fait chuter son mari va aussi entraîner chez Eve des répercussions sur la façon avec laquelle elle va vivre son statut d’épouse. Les désirs de la femme la porteront toujours vers son mari. Elle souhaitera toujours trouver en lui sa sécurité, une affection. Mais le péché va changer le rapport du mari avec elle. Parce qu’il aura vécu le piège que la femme a été pour lui, le mari va établir avec elle un rapport marqué davantage par la domination que la confiance et la réciprocité. Le désir de l’homme de garder la main haute sur la femme peut être perçu, dans l’humanité, comme un écho, une réminiscence de la chute dont Eve a été l’outil pour lui.

V 17 à 19 : c’est à l’homme, à qui Dieu avait spécifiquement donné l’ordre explicite de ne pas manger du fruit de l’arbre interdit, que l’Eternel réserve la liste la plus longue des malédictions conséquentes à sa désobéissance. La flèche de la malédiction qui va affecter l’homme a pour objet une cible unique : son environnement. Alors que, jusque-là, le travail de l’homme dans le jardin était une source de joie, c’est avec peine qu’il sera fait désormais. La nature qui lui était propice va se retourner contre lui en faisant pousser au milieu des bonnes plantes, des chardons, des ronces et des épines. Bien que la terre continue à produire de quoi pourvoir aux besoins de l’homme, son travail dans ce monde ne sera jamais aisé et totalement satisfaisant. Il aura toujours à se battre contre des éléments nuisibles et invasifs qui rendront son travail pénible. A la fin se produira pour l’homme ce que Dieu voulait lui éviter et ce contre quoi Il voulait le prévenir : la mort. Sorti de la poussière, Adam y retournera. Au lieu de passer de la terre à la gloire, tous les humains devront faire un crochet par la tombe et le séjour des morts.

V 20 : Eve, le nom qu’Adam donna à sa femme, est le témoignage que, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire aujourd’hui, l’humanité entière est issue d’un seul couple : cf Romains 5,12. Affirmer cette vérité n’est pas sans importance théologique. Toute la doctrine de la rédemption repose sur l’idée que la race humaine entière, parce qu’elle provient d’Adam, est solidaire avec lui dans la rupture qui s’est créée entre lui et Dieu dès l’origine. Le récit de la genèse ne peut être lu comme une fable. Il est le récit fondamental de l’explication de l’état actuel de l’humanité et celui à partir duquel se révèle la nécessité de la venue de Christ, second Adam. Oui, Eve est bien la mère de tous les vivants, notre mère à tous. Nous sommes les héritiers de la faute qu’elle a commise, mais nous avons aussi part à la promesse du rachat que Dieu a formulé à son sujet. Ne pas reconnaître en Eve la mère de la race humaine, c’est rendre impossible le fait de se revendiquer, en tant que fils d’Eve, de la promesse que Dieu lui a faite d’une descendance qui écraserait la tête du serpent : v 15. La cohésion du message du salut de l’humanité en Christ repose sur le présupposé selon lequel nous sommes tous issus d’un seul et que nous devons notre état spirituel et moral à l’histoire qui s’est produite avec ce seul. C’est parce que l’origine du mal qui affecte l’humanité est unique et provient d’une source unique que son salut est aussi unique pour tous.

V 21 : Le premier acte salvateur de Dieu pour Adam et Eve se trouve ici. Il est si significatif qu’il est le prototype illustratif parfait du salut à venir en Christ. Alors qu’Adam et Eve avaient essayé de couvrir leur nudité en cousant des feuilles de figuier pour s’en faire des pagnes, Dieu les dévêt de leur bricolage pour les revêtir d’habits de peau d’un animal qu’Il dut sacrifier dans ce but. C’est toujours de la même façon que Dieu opère. Naturellement, l’homme ne supporte pas la vue de son péché qui provoque toujours les mêmes réactions en lui : honte, peur de Dieu… Aussi fait-il ce qu’il peut avec ce qu’il a pour tenter de cacher ce qu’il est ou de couvrir son péché. Pour certains, il s’agit de tenter de montrer belle figure après s’être révélé exécrable aux yeux de son prochain. Pour d’autres, il s’agit de se racheter en essayant de faire le bien pour couvrir le mal qui leur colle à la peau. Dieu n’a que faire de ses tentatives qui, toutes, ont leur racine dans l’orgueil. Le salut de Dieu pour l’homme ne peut venir de lui. Il ne peut être que le fruit de l’initiative de Dieu. Le péché de l’homme est si grave qu’il ne peut être couvert sans être expié. Or, le salaire du péché n’est pas moins que la mort : Genèse 2,17 ; Romains 6,23. Il faut donc, pour que l’homme vive et soit présentable à Dieu, mais aussi face aux autres, qu’une victime innocente endosse la sanction du péché et que, par elle, la faute de l’homme soit couverte et celui-ci justifié. C’est ce qui s’est produit ici avec cette peau de bête que Dieu donne à Adam et Eve pour habits. Pour la recevoir, ceux-ci ne purent faire autrement que de renoncer à leurs feuilles de figuier qui ne pouvaient répondre au sens de la justice divine. L’animal qui a laissé sa peau pour couvrir nos premiers parents nous parle de Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde : Jean 1,29. C’est par lui que nous sommes justifiés de ce dont nous ne le pouvions par nos propres efforts, fussent-ils ceux de plaire à Dieu en obéissant à Sa loi : Romains 3,28. Le salut ne se gagne pas. Il ne s’obtient pas par le concours de l’homme. Il ne peut que se recevoir. Il est tout entier le fruit de la grâce de Dieu. Toute autre conception du salut de l’humanité n’est que le fruit de l’orgueil et du relativisme humain face à la gravité de ses actes au regard de la justice divine.

V 22 à 24 : bien que les mesures prises par Dieu envers Adam et Eve revêtent la forme d’un châtiment, elles ne sont pas que punitives. Toutes comportent un aspect salvateur pour eux. La souffrance, le travail difficile ont pour objet d’éveiller dans l’humanité la nostalgie du monde parfait qu’elle a connu à son début. L’impuissance dans laquelle l’homme se trouve face au mal, la culpabilité et la honte qu’il ressent lorsqu’il le commet, le préparent à recevoir le salut gratuit de Dieu par la foi. Ainsi, dans ce que Dieu fait, même quand il punit, il y a toujours chez lui une volonté de salut plus forte que la réprobation.

C’est aussi le cas avec la dernière mesure que Dieu prend ici. Le constat de Dieu sur l’humanité dans son nouvel s’impose. L’homme n’est plus, comme il l’était auparavant, dans l’état d’innocence et de dépendance totale de Dieu pour ce qui concerne le bien et le mal. Il est devenu, selon la promesse même du serpent à Eve : 3,5, semblable à Dieu, un être autonome. Le pire pour l’humanité n’est pas cet état dans lequel elle se trouve dans le présent. Il serait que, goûtant à l’arbre de vie qui se situe lui aussi au milieu du jardin : 2,9, Adam et Eve bénéficient de la capacité de vivre éternellement dans cet état. Il n’y aurait plus alors d’autre possibilité pour la race humaine que l’état de pécheur pour toujours. La décision de Dieu est prise. Pour sauver l’homme, il n’y a d’autre solution que de l’exclure, l’expulser hors du jardin d’Eden. Sur le plan immédiat, Adam et Eve vont vivre de manière pratique la tragédie à laquelle les a conduits leur désobéissance à Dieu. Mais à plus long terme, cette mesure était nécessaire à leur salut. Dans cette attente, c’est l’épée du jugement qui se tient entre l’humanité et l’accès à l’arbre de vie. C’est cette épée qui frappera le Fils de Dieu pour qu’elle n’aie jamais à nous frapper !

Nota : lorsqu’Il se parle à Lui-même, Dieu utilise, dès le début de la genèse le pronom « nous » : Genèse 1,26 ; 3,22. Il y a ici un témoignage simple, mais suffisamment clair, du fait que Dieu n’est pas un Dieu singulier, mais pluriel. Cette révélation embryonnaire de l’identité de Dieu connaîtra son plein développement pour aboutir à la révélation du Dieu Trine : Père, Fils et Saint-Esprit : Matthieu 28,19.


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