V 1 à 8 : les enfants de Bilha
La bénédiction évidente de Dieu sur Léa, la mal-aimée, ne put
à terme laisser Rachel de marbre. Certes, elle était la préférée de Jacob. Mais
à quoi cela lui servait-elle alors qu’autour d’elle tous les fils de Jacob
qu’elle voyait remplir la maisonnée étaient de sa sœur ? Si la faveur des
hommes peut un moment réjouir le cœur, rien ne surpasse celle de Dieu. Jalouse
de Léa, Rachel s’en prit à Jacob comme si le changement qu’elle espérait pour
elle dépendait de lui. Jacob renvoya Rachel à juste raison vers Dieu. Car, que
nous le voyions ou non, chacune de nos difficultés, chacune de nos limites,
chacune de nos épreuves ont leur cause en Lui. N’est-ce pas de Lui, dit
Jérémie, que viennent les maux et les biens : Lamentations
3,38 ?
Oui, comme il en est ici pour Rachel et Jacob, nos vrais
combats nous opposent toujours à Dieu. Les éléments humains ou naturels ne sont
pas absents de nos luttes, comme c’est le cas ici. Mais ils ne sont pas la
vraie cause du problème. Ils ne sont que des causes secondes, mais la cause
première se trouve en Dieu. Notre combat est celui de notre volonté contre la
sienne. Ce combat est si âpre que, comme le dit ici Rachel, nous avons
l’impression que, s’il n’est pas surmonté, nous allons mourir. C’est que, si
Dieu est plein de grâce et de compassion envers nous pour nous pardonner, Il
est aussi celui qui est Seigneur et qui ne fléchit pas lorsqu’Il s’agit pour
Lui d’atteindre le but qu’Il s’est proposé pour nous. Dieu a promis dès le
départ d’être avec Jacob, de le bénir et de le garder dans tout ce qu’il va
vivre. La bénédiction de Dieu pour autant ne signifie pas que Dieu va donner à
Jacob la réussite et une vie agréable en comblant tous ses désirs. La
bénédiction de Dieu signifie que la main de Dieu qui le garde ne le lâchera pas
tant que le dessein qu’Il a pour lui et en lui ne se réalise. L’histoire qui
commençait bien pour lui tourne de plus en plus au vinaigre. En apparence, sur
le plan humain, on pourrait penser que Jacob a eu avec les deux filles de Laban
une double bénédiction. Elles seront pour lui comme une double écharde dans sa
chair.
Pour l’heure, bien que Jacob ait orienté le regard de Rachel
vers Dieu, celle-ci ne le conçoit pas ainsi. Rachel ne prie pas, n’implore pas
Dieu, ne fait pas appel à Sa grâce. Elle fait ce que Sara, son aïeule, a fait
en son temps dans la même situation. Elle propose à son mari d’agir selon les
us et coutumes locales qui permettent, au cas où l’épouse officielle ne peut
avoir d’enfants, d’enfanter au travers de sa servante. C’est ainsi que Bilha
est donné à Jacob. Le stratagème réussit puisque, à deux reprises celle-ci
donne à Jacob un fils. Elle nomme le premier Dan, qui signifie Juge, nom qui
exprime le sentiment de Rachel que Dieu lui a enfin fait justice face à sa
sœur. Le nom que Rachel donne au fils de Bilha n’est révélateur que d’une seule
chose : de la jalousie et de la frustration profonde qu’elle entretient à
l’égard de sa sœur. Non, Dieu ne lui a pas fait justice pour deux raisons au
moins. La première est que Dieu ne se venge pas contre Lui-même d’une
bénédiction qu’Il aurait donné à une autre personne. Une telle manière de
penser ne fait que mettre en valeur la perversion du cœur. La seconde est que
le fils qu’elle revendique comme le sien ne l’est en fait pas. Quoi qu’elle
dise, ce que Rachel a eu n’est pas à la hauteur de ce que Léa a reçu de Dieu.
Le nom donné au second fils, Nephtali (Combat), va en droite ligne de l’esprit
dans lequel elle a agi lorsqu’elle a nommé le premier. Forte de ses deux fils,
Rachel croit l’avoir remporté sur Léa, ce qui tend à nous faire penser que le
récit que nous lisons se situe entre les deux naissances des premiers fils de
Léa. Tout, entre les deux femmes, n’est que rivalité et concurrence. Bien que
chef de famille, Jacob n’a plus la maîtrise des choses, mais devient le jouet
de l’antagonisme qui règne entre ses deux épouses.
V 9 à 13 : les fils de Zilpa
Après Rachel, ce fut Léa qui eut recours au stratagème utilisé
par sa sœur pour donner de nouveaux fils à Jacob. Ne pouvant plus enfanter,
elle donna à Jacob sa servante Zilpa qui lui donna deux nouveaux fils :
Gad et Aser. Favorisée par Dieu, Léa ne se montre pas différente de Rachel
lorsque le Seigneur semble lui retirer Sa grâce pour un temps. Pour elle aussi,
tous les moyens sont bons pour gagner la compétition qui l’oppose à sa sœur et,
quelque part, l’emporter sur elle dans le cœur de son mari. Ce n’est pas en
vain, qu’inspiré de Dieu, Paul exhortera les philippiens à ne rien faire par
rivalité ou vaine gloire : Philippiens 2,3.
Rien n’est plus nocif à l’esprit de famille qui doit habiter le peuple de Dieu
que cette concurrence née de la jalousie qui dresse les enfants de Dieu les uns
contre les autres dans une compétition grotesque (le nom choisi par Léa pour
ces deux nouveaux fils en témoigne).
Quelles que soient les motivations qui animent les acteurs du
plan de Dieu, celles-ci n’empêchent pas pour autant le Seigneur d’accomplir Son
dessein. Petit à petit, il naît de Jacob les fils qui seront les pères des
tribus de la future nation. La souveraineté de Dieu dépasse largement la
petitesse de l’homme. Certes, il lui faut corriger, parfois avec sévérité, ses
serviteurs animés d’intentions charnelles. Mais tous leurs défauts n’ont pas le
pouvoir d’annuler Son projet, de rendre caduque le dessein de Sa volonté.
L’homme peut croire qu’il utilise Dieu en vue de Ses fins. Ce n’est jamais le
cas. Lorsque l’homme retourne dans la poussière, le projet de Dieu poursuit sa
route et témoigne du fait que, même dans sa folie, l’homme sert Dieu. Apprenons
que le moment présent ne représente pas la vérité des choses. Seul le futur le
fait et, mieux que lui encore, l’éternité. Alors que dans le présent nous ne
voyons souvent que chaos, comportements humains, terrestres, charnels, nous
contemplerons ébahis, à partir de ce point de vue final, l’œuvre magnifique et
parfaite de Dieu. Comme Paul, le dit, nous ne pourrons alors ensemble ne faire
qu’une seule chose : célébrer la gloire de la grâce de Dieu : Ephésiens 1,5-6.
V 14 à 21 : naissances d’Issacar et
de Zabulon
Dans une compétition, toutes les occasions sont bonnes pour
marquer des points et prendre le dessus, ne serait-ce que pour un temps, sur
son adversaire. La compétition ne laisse jamais ceux qui y entrent dans la
neutralité. Elle engendre un état d’esprit qui colore toute leur façon d’agir.
Dans la compétition qui les oppose l’une à l’autre, Rachel et Léa ne sont plus
sœurs. Elles sont rivales. Rien de ce qui fait leur relation n’est gratuit.
Tout est calculé, pesé en vue de gagner sur l’autre. Le récit qui relate
comment se produisit les naissances d’Issacar et de Zabulon par Léa en est le
témoignage.
Dans une famille normale, les échanges entre membres sont
spontanés. Parce que nous sommes membres du même corps, l’entraide, le soutien
et le partage sont naturels. Personne ne pense que s’il fait du bien à son
frère, c’est pour que celui-ci soit d’une façon ou d’une autre, son débiteur.
Nous sommes une seule entité, un seul organisme et non des parties divisées qui
cohabitent. La principale nuisance de la rivalité est de détruire l’unité que
crée l’amour et le sentiment d’appartenance à un tout. Or, Jésus le dit, tout
royaume divisé contre lui-même est dévasté, et toute ville ou maison divisée
contre elle-même ne peut subsister : Matthieu
12,25. Il y a un vrai danger d’éclatement lorsque, à l’intérieur d’une
même entité, la rivalité a remplacé la solidarité.
Alors qu’au début du récit, on sent que Dieu prend en main la
cause de Léa, la mal-aimée, plus celui-ci avance, plus on constate que celle-ci
est au moins autant que sa sœur dans la compétition. Profitant de l’occasion
qui lui est offerte d’une demande de service de sa sœur, Léa la monnaye contre
le droit, le soir même, de coucher avec Jacob. La tractation entre les deux
sœurs suggère deux choses. La première est que, dans la compétition, il ne faut
montrer aucun signe de faiblesse. Un signe de faiblesse, c’est le fait de
demander un service à l’autre, de montrer que l’on aurait besoin de ce qu’il a.
C’est entrer, même de façon minime, dans une forme de dépendance de l’autre.
Une telle chose est mortelle. La seconde est que, semble-t-il, dans la vie
quotidienne des deux sœurs, tout est pesé, organisé de manière à ce que, dans
les faits, aucune ne soit lésé. Ainsi, si Léa achète le droit de coucher avec
son mari ce soir-là, c’est que la prochaine fois où Jacob devait coucher avec
l’une de ces femmes, c’était le tour de Rachel. Tenir à ce point-là un agenda
détaillé du droit conjugal dépasse l’entendement. Une telle ineptie témoigne à
la fois du degré de rivalité qui marquait les relations entre les sœurs et des
complications pratiques qu’engendre la polygamie.
Le plus étrange dans tout cela, comme dit auparavant, est de
voir Dieu poursuivre Son projet de construire une famille à Jacob au travers de
cette rivalité grotesque. Deux fils s’ajoutent aux huit qu’il possède déjà.
Paul, confronté à la rivalité d’adversaires qui cherchent à lui faire de la
peine alors qu’il se trouve en prison, a su voir, par la foi et dans
l’humilité, le bien que Dieu pouvait tirer pour Sa cause d’un tel mal. « Qu’importe ? De toute manière,
que ce soit pour l’apparence, que ce soit sincèrement, Christ n’est pas moins
annoncé : je m’en réjouis, et je m’en réjouirai encore : Philippiens 1,18. » Que Dieu nous donne, face
à la mesquinerie humaine, la hauteur d’esprit de l’apôtre !
V 22 à 24 : Dieu se souvient de
Rachel
Si l’Eternel, dans Sa grâce, a favorisé Léa, la mal-aimée, en
lui donnant de nombreux fils et une fille, Dina, Il n’est pas pour autant un
Dieu partisan. Dieu n’est pas avec Léa contre Rachel. Dieu est à la fois pour
Léa et pour Rachel, se souciant autant du bonheur de l’une que de l’autre.
Aussi, après avoir favorisé Léa, l’heure est venue pour Dieu de manifester Sa
bonté envers Rachel. Ayant secouru Léa dans sa détresse, Il était juste que
Dieu entende également les supplications que faisait monter vers Lui Rachel
dans la sienne. Comme Léa a reçu ses fils comme un cadeau de la grâce de Dieu,
Dieu a agi pour qu’il en soit de même pour Rachel. Il a enfermé les deux
épouses rivales dans la détresse pour leur faire grâce l’une après l’autre,
comme Il l’a fait pour les Juifs et les païens au sujet de leur désobéissance,
par Jésus-Christ : Romains 11,32. Exaucée
par Dieu, Rachel eut la joie de donner son premier fils à Jacob, Joseph. Avec
lui, dit-elle, elle reçut plus qu’un enfant. C’est aussi tout le poids de la
honte qu’elle portait depuis des années à cause de sa stérilité qui tomba de
ses épaules. Avec ce premier fils, une porte d’espoir s’ouvrait aussi devant
elle. Si Dieu, dans Sa grâce, lui donnait un fils, rien ne l’empêchait de lui
en donner un second dans l’avenir. La grâce n’est pas juste une compensation,
un lot de consolation. Elle est l’expression de la générosité de Dieu. Si nous
en sommes l’objet, toutes les espérances sont possibles ! Dieu n’est-Il
pas Celui qui peut faire pour nous infiniment au-delà de ce que nous pensons ou
demandons : Ephésiens 3,20.
Que nous puissions ici apprendre de la pédagogie de
Dieu ! Ses pensées ne sont pas nos pensées et Ses voies ne sont pas nos
voies ! Apprenons aussi du fait que, jamais, dans aucune situation, Dieu
ne se conduira comme un Dieu partisan. Dieu aime chacun de la même manière. Il
attend seulement que nous soyons suffisamment affligés de ce que nous sommes
pour nous faire grâce ! Apprenons aussi de la foi de Rachel, bénéficiaire
de la grâce de Dieu. Oui ! Dieu reste souverain dans l’attribution de Ses
dons. Mais Sa grâce n’est pas chiche. Elle est une porte d’espérance qui
nourrit notre attente en vue de quelque chose d’encore et de toujours meilleur
pour nous. Que Dieu me donne aujourd’hui de ne pas froisser cette disposition de
cœur à la générosité qui est en Lui et qu’Il a démontré par le don de Son Fils
éternel si précieux. Au regard de cette mesure, il n’y a rien que nous
puissions demander qui surpasse ce don ! Lui, qui n’a pas épargné Son
propre Fils, mais qui L’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-Il
pas aussi tout avec lui, par grâce : Romains 8,32 ?
V 25 à 43 : Jacob s’enrichit chez
Laban
Bien que le séjour de Jacob chez Laban se prolonge, celui-ci n’oublia
pas que le but de son exil n’était pas qu’il reste indéfiniment loin de sa
terre, mais qu’il y retourne. Rachel ayant donné un fils à Jacob, le patriarche
le vit comme le signe divin du moment de son départ. Il en informa son
beau-père lui faisant valoir tout ce qu’il avait investi comme force à son
service depuis le jour de sa venue. Face à l’évidence, Laban ne trouva rien à
redire à la demande de Jacob. De manière effective, la venue de Jacob avait
considérablement amélioré la condition matérielle de Laban. Ses troupeaux s’étaient
tant accrus que, cherchant une explication du phénomène, Laban avait appris par divination que la cause en était à
la bénédiction divine qui reposait sur Jacob. Laban est ici le témoin que ce
que Dieu avait promis à Jacob lors de Sa rencontre avec lui à Béthel était tenu :
Genèse 28,15.
L’heure venue du départ de Jacob, Laban invite son gendre à
fixer lui-même le salaire qu’il lui doit. Bien qu’il soit son beau-père et qu’il
l’ait accueilli, Laban avait son honneur. Il ne voulait pas qu’il soit dit que
Jacob l’ait servi pour rien, si ce n’est ses deux filles, si longtemps. Ce qui
aurait pu se régler avec l’art et la manière selon la justice, tourna vite des
deux côtés au marché de dupes. Jacob proposa que ce ne soit ni lui ni Laban qui
décide mais, quelque part, Dieu. Il demanda ainsi qu’en ce jour Laban fasse lui-même
la revue de ses troupeaux et qu’il mette à part pour Jacob toutes les bêtes tachetées
et marquetées ou de couleur foncée parmi les moutons. La plupart du temps, en
effet, les moutons étaient blancs, et les chèvres noires, si bien, qu’en
apparence, le salaire que demandait Jacob était modeste. Laban signifia son
accord à Jacob. Le même jour, il ordonna à ses fils de passer dans tous les
troupeaux pour enlever les animaux concernés et les éloigner.
C’était sans compter à la fois sur Dieu et sur la ruse de
Jacob. Car si le rusé se fait avoir une fois, il ne se le fera pas deux fois.
Au contact de Laban, Jacob avait appris à connaître le personnage et à s’en
méfier. Aussi sincère pouvait paraître la parole de Laban, il ne fallait pas s’y
fier. Selon une superstition qui avait cours, Jacob mit en place un stratagème par
lequel il pouvait influencer la couleur des brebis qui naitraient. Là encore,
le procédé est tout humain. S’il n’y avait eu la main de Dieu pour le faire
réussir, il aurait échoué. Mais Dieu veillait sur Son serviteur et, quoique
Jacob ait manigancé, c’est non pas à sa ruse que Jacob devra de se constituer
des troupeaux à part, mais à l’action souveraine de Dieu : Genèse 31,12. Le cheptel et la maisonnée de Jacob crut
ainsi considérablement. Il était temps pour lui de rentrer au pays !
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